(Washington) Que dit Joe Biden de la mobilisation de nombreux étudiants américains contre la guerre à Gaza ? Rien ou presque : le président américain évite jusqu’ici de s’exprimer sur ce sujet susceptible de plomber sa campagne.

Le démocrate de 81 ans, qui affrontera le républicain Donald Trump lors de la présidentielle de novembre, ne s’est exprimé publiquement qu’une seule fois, brièvement, sur ces manifestations.

« Je condamne les manifestations d’antisémitisme […]. Je condamne aussi ceux qui ne comprennent pas ce qu’il se passe pour les Palestiniens », avait dit Joe Biden le 22 avril en réponse à une question lancée par un journaliste.

Depuis, silence du démocrate de 81 ans, ce que Donald Trump n’a pas manqué de relever.

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L’ex-président et candidat républicain à la présidence Donald Trump

« Une grande fièvre a saisi le pays, et il ne dit rien », a dit le magnat de 77 ans mercredi pendant un rassemblement partisan.

Le républicain a appelé les présidents d’universités à « reconquérir les campus » et en traitant les manifestants de l’université de Columbia à New York de « maniaques enragés et sympathisants du Hamas ».

« Petit pourcentage »

La porte-parole de la Maison-Blanche a elle condamné mercredi « le petit pourcentage d’étudiants qui provoquent du désordre » après une nuit d’affrontements et d’interpellations sur certains campus.  

« Les étudiants ont le droit d’aller en cours et de se sentir en sécurité », a poursuivi Karine Jean-Pierre, en ajoutant : « Il faut dénoncer l’antisémitisme. »

Elle a reconnu que la guerre à Gaza était un « moment douloureux » et assuré que Joe Biden soutenait le droit à manifester pacifiquement.

Pour Alex Keena, professeur de sciences politiques à l’université VCU en Virginie, « les manifestations mettent Biden dans une position délicate parce que pour gagner en 2020, il s’est beaucoup appuyé sur les jeunes, sur les musulmans et les Américains d’origine arabe ».

La Maison-Blanche est « apparemment convaincue qu’elle va traverser cette tempête et malgré tout gagner contre Donald Trump en novembre. […] C’est une dangereuse erreur de calcul », attaque dans un récent billet James Zogby, président du Arab American Institute, une association qui représente les Américains d’origine arabe.

Depuis le début du conflit à Gaza, déclenché par l’attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien, Joe Biden est la cible de vives critiques pour son soutien inconditionnel à Israël.

Un sondage publié mi-avril par l’université Harvard lui donne l’avantage auprès des Américains de moins de trente ans : 45 % des intentions de vote contre 37 % pour Donald Trump, soit huit points d’écart.

C’est toutefois beaucoup moins que dans le même sondage il y a quatre ans, au printemps 2020 : le démocrate affichait une avance de 23 points avec son adversaire républicain.

1968

Le président américain pourrait reconquérir d’ici novembre le cœur de certains jeunes électeurs, si un accord sur un cessez-le-feu et une libération des otages détenus à Gaza était trouvé entre le Hamas et les autorités israéliennes.

« Ce serait énorme », juge Alex Keena. « Cela ferait beaucoup pour mettre fin à certaines manifestations ou regagner une certaine stabilité » sur les campus.

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Le secrétaire d’État des États-Unis, Antony Blinken

Les Américains poussent depuis des semaines pour un accord. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, en Israël mercredi, a jugé que le Hamas « devait dire oui » à la dernière proposition qui lui a été faite.

Si l’accord échoue, et que la contestation dans les universités se poursuit, les démocrates tiendront leur convention sous très haute tension cet été.  

Le parti doit investir Joe Biden en août à Chicago.  

En 1968, c’est aussi là que s’était tenue une convention démocrate particulièrement chaotique, sur fond de manifestations contre la guerre du Vietnam, et peu après que le président sortant Lyndon Johnson eut renoncé à se représenter.

À l’époque, l’étudiant en droit Joe Biden, déjà férocement centriste, était resté à l’écart de la contestation. Dans un livre paru en 2007, il raconte avoir vu des étudiants occuper un bâtiment de son université à Syracuse (nord-est), et avoir pensé : « Regardez-moi ces connards. »