(Tucson) En matière d’avortement, Donald Trump « veut ramener l’Amérique aux années 1800 », a taclé Kamala Harris vendredi lors d’un déplacement en Arizona, où la justice vient d’estimer applicable une interdiction quasi-totale de l’IVG, vieille de 160 ans.

« Voici à quoi ressemble un second mandat de Trump : plus d’interdictions, plus de souffrances et moins de liberté », a lancé la vice-présidente américaine. « Comme il l’a fait en Arizona, il veut ramener l’Amérique aux années 1800. »

À quelques mois de la présidentielle de novembre, l’avortement s’impose comme un enjeu majeur de la campagne aux États-Unis et notamment dans cet État-clé du sud-ouest, où Joe Biden a battu Donald Trump avec seulement 10 000 voix d’avance en 2020.

Car la Cour suprême de l’Arizona a jugé mardi applicable une loi de 1864, qui interdit l’avortement dès la conception, sauf dans le cas où la mère court un danger mortel.  

Le viol et l’inceste ne sont pas considérés comme des exceptions valables. Ce texte remontant à la guerre de Sécession, un temps où les femmes n’avaient pas le droit de vote, fait polémique et embarrasse jusque dans les rangs républicains.

Son application réelle reste très incertaine, notamment car la procureure générale d’Arizona a juré de ne poursuivre aucun médecin ou femme impliquée dans une IVG.  

Mais la menace d’un durcissement majeur existe. Mme Harris a dépeint cette décision comme « l’une des plus grandes répliques » du tremblement de terre survenu en 2022, lorsque la Cour suprême des États-Unis a annulé la protection constitutionnelle du droit à l’avortement.

Ce renversement, décidé par des magistrats conservateurs pour certains nommés par Donald Trump, n’était « que le premier acte d’une stratégie plus vaste visant à supprimer les droits et libertés des femmes […], État par État », a dénoncé la vice-présidente démocrate.

« Donald Trump est l’architecte de cette crise des soins de santé », a-t-elle poursuivi. « Et ce n’est pas un fait qu’il cache. En fait, il s’en vante. »

Boulet électoral

PHOTO SAUL MARTINEZ, NEW YORK TIMES

L’ex-président et candidat républicain à la présidentielle, Donald Trump

L’Arizona fait partie de la poignée d’États-clés qui décideront de l’élection présidentielle. Les démocrates y font de l’avortement un argument massue en faveur d’une réélection de Joe Biden, jusqu’ici distancé par Donald Trump dans les sondages.

Une vaste campagne publicitaire d’au moins un million de dollars doit cibler cet État du sud-ouest pour présenter le président démocrate en ardent défenseur de l’IVG.

Depuis deux ans, une vingtaine d’États américains ont interdit ou sévèrement restreint l’accès à l’avortement.  

Mais cette victoire idéologique s’est transformée en boulet électoral pour les républicains. Les sondages montrent que la majorité des Américains soutiennent l’avortement, ce qui fragilise le parti conservateur dans les urnes.

Même les électeurs du Kansas, État pourtant ancré à droite, ont récemment soutenu le droit à l’IVG dans un référendum.

Conscient du risque politique, Donald Trump joue désormais la retenue, en rappelant que chaque État est libre de légiférer sur le sujet.  

« La Cour suprême de l’Arizona est allée trop loin dans sa décision sur l’avortement », a-t-il répété vendredi sur son réseau Truth Social.

La législature d’État de l’Arizona, dominée par les républicains, doit « agir aussi vite que possible » pour adopter une nouvelle loi, a-t-il estimé. « Nous devons idéalement avoir les trois exceptions pour le viol, l’inceste et la vie de la mère. C’est important ! »

Dans sa publication, il a présenté les démocrates comme des « extrémistes », en répétant un mensonge selon lequel la gauche américaine soutient « l’exécution des bébés, dans certains cas après la naissance ».

À Tucson, Mme Harris l’a renvoyé à son alliance de fait avec les électeurs évangéliques, partisans d’une interdiction totale de l’avortement, et au flou qu’il a longtemps entretenu sur la question.

« Les amis de Donald Trump au Congrès américain tentent de faire passer une interdiction nationale », a-t-elle rappelé. « Et maintenant, Trump veut nous faire croire qu’il ne signera pas d’interdiction nationale ? Assez de cette manipulation ! »