(New York) À l’extérieur de la Cour criminelle de Manhattan, sous un soleil bienfaiteur de mi-avril, un partisan de Donald Trump prédisait aux démocrates une vengeance digne des plus grands dictateurs après l’élection présidentielle de 2024.

« Donald Trump sera président et vous verrez la plus grosse boule de démolition de l’histoire politique », a déclaré Dion Cini, en brandissant des drapeaux aux couleurs des Trump, Don père et fils, dans un parc où étaient rassemblés une centaine de trumpistes et encore plus de journalistes, lundi matin.

« Laissez libre cours à votre imagination quant à la vengeance qui sera infligée en fonction de l’histoire politique. Comment Staline s’est-il vengé ? Comment Mao s’est-il vengé ? », a ajouté le New-Yorkais de 55 ans, le plus sérieusement du monde.

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Dion Cini

Pendant ce temps, à l’intérieur du tribunal situé dans la partie sud de l’île new-yorkaise, une justice beaucoup moins expéditive se déployait en présence de l’ancien président, surpris à cogner des clous pendant les dernières requêtes préliminaires des deux parties, qui ont nécessité toute la matinée et une partie de l’après-midi.

Ce n’est donc pas avant 14 h 30 que le premier groupe de 96 jurés potentiels – sur un total d’environ 500 présents – ont fait leur entrée dans la salle d’audience du juge Juan Merchan, marquant le début officiel du premier procès pénal visant un ancien président des États-Unis.

CROQUIS DE CHRISTINE CORNELL, REUTERS

Croquis de la salle d’audience lors du procès de Donald Trump

Quand le juge a informé les jurés potentiels que Donald Trump devait répondre de 34 chefs d’accusation de falsification de documents commerciaux, le prévenu de 77 ans a baissé les yeux et secoué la tête. Il est jugé pour avoir falsifié ou fait falsifier 34 documents afin de camoufler le versement de 130 000 $ effectué à 12 jours de l’élection présidentielle de 2016 par son ex-avocat personnel, Michael Cohen, à l’actrice de films pornographiques Stormy Daniels pour garantir son silence sur une relation sexuelle alléguée avec lui.

« Un danger pour la démocratie »

Avant de faire sa propre entrée dans la salle d’audience, vers 9 h 30, Donald Trump avait décrit son procès comme une « persécution politique » et « un assaut contre l’Amérique ».

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Donald Trump, à son arrivée à la Trump Tower, après son audience

« C’est pourquoi je suis très fier d’être ici », a dit le candidat présomptif du Parti républicain à la présidence devant les journalistes, avant d’accuser faussement son rival démocrate, Joe Biden, d’être « très impliqué dans cette affaire ».

Des quatre inculpations criminelles dont il fait l’objet, il s’agira peut-être de la seule qui donnera lieu à un procès et à un verdict avant le scrutin de novembre.

Il s’agira peut-être aussi de la dernière chance de réconcilier Nadine Styler avec son pays d’origine. Née à Trinité-et-Tobago, cette femme de 50 ans vit au Maryland depuis bientôt 38 ans.

« Donald Trump représente un tel danger pour notre démocratie », a-t-elle dit en exhibant un bandeau réclamant la condamnation de l’ex-président.

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« Condamnez Trump, qu’on en finisse ! » peut-on lire sur cette bannière tenue par Nadine Styler.

Voilà pourquoi je me suis dit qu’il fallait que je me montre et que je dise qu’il doit être tenu pour responsable, qu’il ne peut pas s’approcher du siège du pouvoir, et encore moins de la présidence.

Nadine Styler

La seule idée que les Américains pourraient renvoyer Donald Trump à la Maison-Blanche l’incite à penser à retourner vivre dans son île natale.

« J’ai adhéré aux idéaux américains, au système des freins et des contrepoids et à tout ce qui s’ensuit. Mais lorsque Trump était au pouvoir, nous avons vu que ce n’était que des paroles en l’air. Il a tout violé, de la clause d’émolument à son serment d’office, tout. Voilà pourquoi je pense à me rapatrier. »

Sélection laborieuse

En attendant, le laborieux processus de sélection des jurés devrait durer plus de deux semaines. La difficulté de la tâche a vite été révélée quand au moins la moitié des 96 premiers témoins potentiels ont levé la main pour signaler qu’ils ne se croyaient pas capables de juger Donald Trump de façon impartiale. Le juge les a aussitôt libérés.

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Des manifestants anti-Trump tiennent une pancarte sur laquelle on peut lire « No one is above the law » (personne n’est au-dessus de la loi).

Peu avant, il avait lu une liste partielle des témoins qui pourraient être appelés à la barre pendant le procès. Figuraient parmi ceux-ci : Melania Trump, Rudolph Giuliani, Ivanka Trump, Jared Kushner et Steve Bannon.

Une résidante de Harlem a été éliminée du jury après avoir cité TikTok et Al Jazeera parmi ses sources d’information et qualifié de tranchées ses opinions sur l’ancien président.

Les jurés s’étant dits en mesure d’être impartiaux envers Trump ont ensuite répondu par écrit à une liste de 42 questions approuvées par le juge. Parmi les questions : « Écoutez-vous ou regardez-vous des balados ? Si oui, lesquels ? » ; « Vous êtes-vous déjà considéré(e) comme un(e) partisan(e) ou avez-vous déjà appartenu à l’une des organisations suivantes : le mouvement QAnon ; Proud Boys ; Oathkeepers ; Three Percenters ; Boogaloo Boys ; Antifa ? » ; « Avez-vous une opinion sur les limites légales des contributions politiques ? »

À la fin de la première journée du procès, aucun juré n’avait été choisi.

Le processus de sélection des jurés ne devrait pas manquer d’être accompagné de controverses, dont l’une pourrait couvrir jusqu’au 24 avril.

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Banderoles en appui à Donald Trump

En matinée, les procureurs de Manhattan ont demandé que Donald Trump soit condamné à verser des amendes totales d’au moins 3000 $ pour avoir violé le bâillon partiel imposé par le juge Merchan dans trois messages publiés récemment sur Truth Social et attaquant deux témoins, Michael Cohen et Stormy Daniels.

Le juge a d’abord indiqué qu’il rendrait une décision après le lunch. Puis, à son retour dans la salle d’audience, il a annoncé qu’il entendrait les arguments des deux parties sur cette question le 24 avril. Entre-temps, Donald Trump a relayé sur Truth Social une vidéo de la militante d’extrême droite Laura Loomer attaquant Michael Cohen et la femme du juge.

De quoi plaire et déplaire

Les dernières requêtes préliminaires ont donné un aperçu des arguments que présenteront les deux parties au cours du procès. Après avoir refusé de se récuser à la demande de Donald Trump, qui l’accusait d’être en situation de conflit d’intérêts en raison de sa fille, consultante démocrate, le juge Merchan a annoncé une série de décisions susceptibles de satisfaire et de contrarier l’une ou l’autre des parties.

Il ne permettra pas aux procureurs de Manhattan de faire allusion aux allégations d’agression sexuelle dont a fait l’objet Donald Trump par le passé ou de faire entendre la vidéo d’Access Hollywood dans laquelle l’ex-président se vante de pouvoir empoigner le sexe des femmes. Mais il acceptera que les procureurs lisent la transcription de la vidéo pendant le procès.

Le juge permettra par ailleurs aux procureurs d’interroger certains témoins concernant le stratagème qui a conduit le National Enquirer à publier des articles fictifs pour nuire à Ted Cruz et à Marco Rubio, deux adversaires républicains de Donald Trump.

L’un de ces articles affirmait que le père du sénateur du Texas était impliqué dans l’assassinat de John Kennedy.

Les dirigeants du National Enquirer ont également joué un rôle dans le camouflage des histoires de Stormy Daniels et de la playmate Karen McDougal.

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Doanld Trump

En sortant de la salle d’audience, Donald Trump a dénoncé une des décisions du juge Merchan. Ce dernier a refusé de lui permettre de s’absenter un mercredi de mai pour assister à la cérémonie de remise de diplômes à l’école secondaire de son fils Barron.

« Mon fils va recevoir son diplôme de fin d’études secondaires. Il semble que le juge ne me laissera pas assister à la remise de diplômes de mon fils qui a travaillé très, très dur et qui est un excellent élève. Ce procès est une escroquerie », a dénoncé Donald Trump.

Cependant, il ne s’est pas plaint de la décision du juge d’interdire aux procureurs de soulever le fait que Melania venait à peine d’accoucher quand Stormy Daniels et la playmate Karen McDougal prétendent avoir couché avec lui.