(Washington) Joe Biden parviendra-t-il à faire adopter sa réforme migratoire par le Congrès en pleine année électorale ? Hors de question pour Donald Trump et ses alliés qui ont mis le grappin sur ce dossier explosif, au cœur de la campagne du républicain.

La course à la Maison-Blanche est partie pour être un remake du duel entre le dirigeant démocrate et l’ancien président, bien décidé à mettre des bâtons dans les roues de son successeur.

Le milliardaire républicain, qui garde une emprise énorme sur son parti, fait des pieds et des mains pour bloquer l’adoption par les parlementaires américains d’une loi sur l’immigration, négociée au Sénat à la demande du président.

« En tant que chef de notre parti, il n’y a aucune chance que je la soutienne », a déclaré Donald Trump lors d’un rassemblement ce week-end, qualifiant le texte de « trahison épouvantable pour l’Amérique ».

Et pour cause : l’ancien président ne veut en aucun cas offrir une victoire politique à Joe Biden à quelques mois de l’élection présidentielle.

Record d’arrestations

Joe Biden a été élu en novembre 2020 en promettant de remettre un peu d’« humanité » dans la politique migratoire américaine – alors marquée par les débats autour du fameux « mur » à la frontière avec le Mexique, voulu par Donald Trump.

Mais les mesures adoptées au cours du mandat du dirigeant démocrate sont loin de faire l’unanimité. Les républicains accusent Joe Biden d’avoir laissé le pays se faire « envahir », prenant pour exemple le chiffre record de migrants arrêtés à la frontière, 302 000 en décembre.

Plusieurs maires de grandes villes et gouverneurs de son parti sont venus alimenter ce concert de critiques.

Les sondages ne sont pas beaucoup plus flatteurs. Selon plusieurs enquêtes d’opinion, les Américains considèrent la crise des migrants comme l’une de leurs principales préoccupations et tiennent principalement les démocrates pour responsables.

L’Ukraine aussi dans la balance

Donald Trump, qui avait déjà placé l’immigration au cœur de sa campagne de 2016, en comparant les migrants clandestins à des « violeurs », a encore envenimé sa rhétorique.

Ces derniers mois, il a assuré les migrants « empoisonnaient le sang » des États-Unis – des propos qui lui ont valu des comparaisons avec Adolf Hitler.

Selon certains analystes, les déclarations alarmistes de Donald Trump sur l’immigration pourraient toutefois ne pas être prises au sérieux s’il continue à rejeter le projet de loi débattu au Congrès, et négocié entre autres par des élus de son camp.

Dans son opposition au texte, l’ex-dirigeant peut compter sur le soutien du chef de la Chambre des représentants, le républicain Mike Johnson, qui se vante de la fréquence de ses échanges avec Donald Trump.

Le « speaker », élu à la suite d’une fronde d’élus trumpistes, a averti qu’en l’état, tout vote pour le renforcement de la frontière avec le Mexique était « mort-né ».

Politiquement, « les républicains profitent du chaos à la frontière et les démocrates d’une solution à la crise », explique Peter Loge, de l’université George Washington.

Le dossier est d’autant plus brûlant que du succès de cette réforme migratoire dépend le déblocage de nouveaux fonds pour l’Ukraine – une enveloppe de plus de 60 milliards de dollars réclamée avec insistance par Kyiv et l’exécutif américain.

Sous pression de la droite, ces deux sujets sont désormais négociés ensemble, ce qui met en péril les livraisons d’armes et d’équipements cruciales pour l’armée ukrainienne.

La position de Donald Trump et de ses alliés au Congrès est toutefois critiquée à demi-mot par certains républicains modérés, notamment ceux venant de circonscriptions disputées.

Ces élus ne voient pas non plus d’un bon œil les tentatives par l’état-major républicain de destituer Alejandro Mayorkas, le ministre chargé de l’immigration.

« Le risque pour les républicains, y compris pour Donald Trump, est que l’échec de ce texte, soutenu par des élus des deux partis, ne séduise que les électeurs des primaires républicaines » et non pas l’électorat américain dans son ensemble, avertit Mark Bayer, ancien chef de cabinet d’un membre du Congrès.

« Parmi les électeurs qui désigneront le prochain président, il y a aussi des républicains plus modérés et des indépendants, qui veulent que la capitale Washington règle les problèmes », souligne-t-il.