(New York) Claudine Gay survit, mais pour combien de temps ?

Après des discussions qui se sont poursuivies tard dans la soirée de lundi, la plus haute instance de l’Université Harvard a décidé à l’unanimité de maintenir à son poste sa présidente contestée.

Mais la première personne de couleur à diriger la plus prestigieuse des universités américaines demeure sous haute surveillance, notamment en raison d’allégations de plagiat concernant sa thèse de doctorat et d’autres travaux universitaires.

Pour le moment, Claudine Gay ne subira pas le sort de la présidente de l’Université de Pennsylvanie, Lyz Magill, qui a démissionné samedi dernier à la suite d’une audition devant le Congrès où ses réponses évasives concernant l’antisémitisme sur le campus de son établissement ont soulevé un tollé.

La présidente de Harvard avait fait preuve de la même ambiguïté en répondant aux mêmes questions formulées par la représentante républicaine de New York Elise Stefanik.

« En tant que membres de la Harvard Corporation, nous réaffirmons aujourd’hui notre soutien à la présidente Gay pour qu’elle continue à diriger l’Université Harvard », peut-on lire dans une déclaration publiée par l’instance à l’issue de ses discussions.

Nos délibérations approfondies nous confortent dans l’idée que la présidente Gay est la dirigeante idéale pour aider notre communauté à guérir et pour s’attaquer aux très graves problèmes de société auxquels nous sommes confrontés.

Extrait de la déclaration de la Harvard Corporation

Dans sa déclaration, la Harvard Corporation fait allusion à une autre affaire qui a miné l’autorité de Claudine Gay : la réponse initiale de l’université à l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas en Israël le 7 octobre. Selon l’instance, cette réponse « aurait dû être une condamnation immédiate, directe et sans équivoque ».

Silence et critiques

Or, la présidente de Harvard a d’abord été silencieuse sur le sujet, alors qu’une coalition d’une trentaine de groupes d’étudiants propalestiniens de Harvard attribuait le massacre aux politiques d’Israël.

Ce silence a valu à Claudine Gay de nombreuses critiques, dont celle d’un de ses prédécesseurs, Lawrence Summers, qui s’est exprimé le 9 octobre dernier sur X.

« En près de 50 ans d’affiliation à Harvard, je n’ai jamais été aussi désillusionné et en décalage (alienated) qu’aujourd’hui », a écrit l’ancien secrétaire au Trésor, tout en rappelant que le prédécesseur de Claudine Gay, Lawrence Bacow, avait rapidement publié une déclaration dénonçant la Russie à la suite de son invasion de l’Ukraine.

Deux jours plus tard, Claudine Gay n’a pas fait taire tous ses critiques en condamnant l’attaque du Hamas sans dénoncer les groupes d’étudiants de Harvard qui avaient blâmé Israël.

C’est dans ce contexte que Claudine Gay et deux autres présidentes d’universités prestigieuses ont été invitées à participer à une audition au Congrès consacrée à l’antisémitisme sur les campus américains dans la foulée de la guerre entre Israël et le Hamas. À Harvard et sur d’autres campus, des étudiants propalestiniens ont manifesté en scandant le slogan « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre », slogan considéré comme antisémite par de nombreux Juifs et condamné par Claudine Gay elle-même.

PHOTO ADAM GLANZMAN, THE NEW YORK TIMES

Depuis le début de la guerre entre le Hamas et Israël, le 7 octobre dernier, le conflit déchaîne les passions dans des universités renommées aux États-Unis, comme Harvard (notre photo).

Mais la présidente de Harvard a trébuché lorsque la représentante Stefanik lui a demandé : « À Harvard, l’appel au génocide des Juifs viole-t-il les règles sur l’intimidation ou le harcèlement ? Oui ou non ? »

« Ça peut être le cas, selon le contexte », a répondu Claudine Gay, utilisant une formule qu’elle allait employer pour répondre à la représentante à plus d’une reprise.

Allégations de plagiat

Aux appels à la démission de Claudine Gay ont succédé les allégations de plagiat. Le militant conservateur bien connu Christopher Rufo, qui lutte contre les excès, réels ou imaginaires, du « wokisme » sur les campus, a contribué à les diffuser dimanche. Le Washington Free Bacon a enchaîné lundi avec un article accusant la présidente de Harvard d’avoir plagié des parties de quatre travaux universitaires sur une période de 24 ans, y compris sa thèse de doctorat présentée en 1997 à Harvard.

Dans sa déclaration, la Harvard Corporation traite de certaines des allégations, qui ont été portées à son attention à la fin octobre. Une enquête indépendante a suivi.

« Le 9 décembre, les membres ont examiné les résultats, qui ont révélé quelques cas de citations inadéquates », peut-on lire dans la déclaration de l’instance. « Bien que l’analyse n’ait révélé aucune violation des normes de Harvard en matière d’inconduite dans la recherche, la présidente Gay demande de manière proactive quatre corrections dans deux articles afin d’insérer des citations et des guillemets qui ont été omis dans les publications d’origine. »

Le Harvard Crimson tire une conclusion différente de sa propre analyse des allégations de plagiat. Tout en reconnaissant que certaines allégations concernent des fautes ou des erreurs mineures, le journal étudiant estime que d’autres « semblent violer les politiques actuelles de Harvard en matière de plagiat et d’intégrité ».

Dans une déclaration publiée lundi, Claudine Gay a défendu « l’intégrité de [son] travail universitaire », comme l’ont d’ailleurs fait bon nombre des auteurs qu’elle est accusée d’avoir plagiés, selon le Harvard Crimson.

« Tout au long de ma carrière, j’ai veillé à ce que mes études soient conformes aux normes universitaires les plus élevées », a-t-elle ajouté.

Mais ses critiques, dont Elise Stefanik, ne semblent pas en avoir fini avec elle. En dénonçant la décision de la Harvard Corporation de maintenir Claudine Gay à son poste, la représentante de New York a déclaré, lors d’une conférence de presse mardi : « La seule mise à jour du code de conduite [de Harvard] consiste à permettre à une plagiaire de devenir présidente de Harvard. »