(New York) À mi-chemin d’un premier mandat qu’il n’est plus assuré de terminer, Eric Adams se console peut-être à l’idée d’être soutenu par Donald Trump dans au moins une des affaires qui l’accablent.

Le 23 novembre dernier, le maire de New York a été accusé au civil d’agression sexuelle, pour des faits présumés remontant à 1993, alors qu’il était policier. L’élu démocrate de 63 ans a ainsi rejoint de nombreuses personnalités, dont l’ancien gouverneur de New York Andrew Cuomo, qui ont fait l’objet d’une vague d’actions en justice avant qu’une fenêtre d’un an prévue par une loi new-yorkaise ne se referme pour des cas autrement prescrits.

« J’espère que le maire Eric Adams, Andrew Cuomo et tous les autres qui ont été traînés en justice sur la base de cette loi ridicule où quelqu’un peut être poursuivi des décennies plus tard, et sans aucune preuve, la combattront parce qu’elle est totalement injuste et INCONSTITUTIONNELLE », a écrit sur Truth Social Donald Trump, qui a lui-même été déclaré responsable d’agression sexuelle en mai dernier, pour une affaire remontant à 1996, et condamné à verser 5 millions de dollars à la plaignante, l’ancienne chroniqueuse du magazine Elle E. Jean Carroll.

Eric Adams nie connaître la femme qui l’accuse de l’avoir agressée sexuellement alors qu’ils travaillaient tous les deux pour la Ville de New York. Mais cette affaire dont les détails restent inconnus n’est pas la seule où ce politicien réputé pour son style, ou plus précisément son « swag », fait penser à l’ancien président républicain.

Un exemple : comme Donald Trump, Eric Adams a un faible pour Recep Tayyip Erdoǧan, l’homme fort de la Turquie, et son pays, qu’il se vante d’avoir visité six fois, dont au moins deux aux frais d’entités turques à l’époque où il était président de l’arrondissement de Brooklyn.

Or, ces liens reviennent aujourd’hui le hanter. Le 2 novembre dernier, des agents du FBI ont exécuté un mandat de perquisition au domicile de Brianna Suggs, responsable du financement de la première campagne d’Eric Adams à la mairie de New York. Ils ont saisi deux ordinateurs portables, trois iPhone et une chemise à dossier étiquetée « Eric Adams ».

Selon le mandat de perquisition, les procureurs et enquêteurs fédéraux cherchent à déterminer si la campagne d’Eric Adams a conspiré avec des membres du gouvernement turc, y compris son consul à New York, pour recevoir des dons illégaux par l’entremise de prête-noms.

Ils examinent également si une personne affiliée à la campagne du maire a fourni des avantages légaux ou illégaux à une société de construction de Brooklyn appartenant à des immigrés turcs ou à des responsables du gouvernement turc.

Ils s’intéressent en particulier à des pressions exercées par Eric Adams en juillet 2021 auprès du chef du service des incendies de New York pour qu’il donne le feu vert à l’ouverture du nouveau consulat de Turquie à New York à temps pour une visite du président Erdoǧan. Une autorisation d’occupation temporaire a fini par être accordée malgré le fait que l’immeuble de 35 étages ne respectait pas la réglementation en matière d’incendie.

Une semaine après la perquisition chez Brianna Suggs, c’était au tour d’Eric Adams lui-même de recevoir la visite du FBI. Après une activité, il a été entouré sur le trottoir par des agents fédéraux qui ont demandé à ses gardes du corps de s’écarter avant de monter avec le maire dans son VUS de service. À l’intérieur, ils ont saisi deux téléphones portables et une tablette iPad.

Après la diffusion de la nouvelle de cette perquisition, Eric Adams y est allé d’une déclaration typique : « Il n’y a pas toujours de feu là où il y a de la fumée. »

Il faut dire qu’il y a toujours eu de la fumée autour de cet ancien capitaine du NYPD, qui a survécu à des affaires de corruption comme sénateur d’État et président de l’arrondissement de Brooklyn, et dont l’administration est peuplée d’amis et de parents d’amis.

Pour le moment, ni Brianna Suggs ni Eric Adams n’ont été inculpés en lien avec l’enquête fédérale. Mais un des alliés du maire, le sénateur d’État Leroy Comrie, élu dans l’arrondissement de Queens, a dénoncé une « chasse aux sorcières », expression chère à Donald Trump.

Dans une tribune publiée par le Daily News, Comrie et l’ancien président de l’arrondissement du Bronx Rubén Díaz Jr. ont même évoqué la possibilité d’un lien entre les critiques d’Eric Adams à l’endroit de l’administration Biden sur la crise des migrants qui sévit à New York et l’enquête fédérale qui vise sa campagne.

« Nous ne pouvons pas dire avec certitude si ces choses sont liées ou non. Mais les membres de nos communautés parlent et leur scepticisme se transforme en colère », ont écrit les signataires de la tribune.

On croirait entendre Donald Trump, qui nourrit le complotisme de ses troupes avec sa formule fétiche : « Beaucoup de gens disent… »

Eric Adams, lui, prétend depuis longtemps être plus scruté que les autres politiciens en raison de la couleur de sa peau. « Mon visage apparaîtra à la une des journaux, qui demanderont : ‟Y a-t-il des comportements contraires à l’éthique ou immoraux ?” », a-t-il déclaré aux membres d’une église noire de Brooklyn, trois jours après la perquisition dont il a fait l’objet.

Le maire de New York, qui a déjà affirmé avoir reçu un message de Dieu sur sa destinée politique, a ajouté : « Je vis dans les limites de mes croyances religieuses, je suis ici pour servir et Dieu ne m’aurait jamais amené là où je suis si je ne restais pas fidèle à ce qu’il m’a dit d’être. »

La mégalomanie semble être un autre trait qu’Eric Adams partage avec Donald Trump.