(Columbus) Plus que deux jours pour voter et pas question de lâcher du lest : dans l’Ohio, militants pro et antiavortement arpentent les rues pour convaincre les électeurs de dire « oui » ou « non » à l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution de cet État américain.

C’est mardi que se clôt ce scrutin local suivi de près dans tout le pays, mais les habitants votent par anticipation depuis des semaines.

Par une matinée ensoleillée, Summer McLain, 27 ans, s’apprête à frapper à des dizaines de portes à Columbus, capitale de cet État du Midwest. Déterminée et pleine d’entrain, c’est accompagnée de sa mère Lorie qu’elle défend le « Oui » à l’amendement constitutionnel. « Oui », donc, à la consécration du droit à l’avortement.

« Malade »

À sa fenêtre, Idil Petrick, 33 ans, voit passer le duo. « Qu’est-ce que vous faites ? », leur lance-t-elle, curieuse. La mère de cinq enfants dit ne pas être au courant du référendum.

En l’espace de quelques minutes, elle promet qu’elle ira voter le jour même. « Parce que les femmes devraient avoir le droit de [décider] si elles veulent donner naissance ou non » à un enfant, dit-elle à l’AFP. « Parce qu’il s’agit de nos corps ».

Summer McLain résume leur conversation sur l’application mobile dédiée à l’opération de porte-à-porte. La jeune femme explique s’être engagée lorsque la Cour suprême a dynamité à l’été 2022 la protection fédérale du droit à l’avortement.

« J’en ai été physiquement malade pendant une semaine », raconte-t-elle. Puis est venu le temps « de la rage », du besoin « de faire quelque chose ». C’est ainsi qu’elle a récemment aidé à rassembler les signatures nécessaires pour proposer un amendement à la Constitution, porté par les défenseurs de l’avortement dans cet État contrôlé par les républicains.

Summer est un exemple des réactions viscérales que la décision choc de la Cour suprême a pu provoquer. Car si elle se considère aujourd’hui comme « très progressiste, très démocrate », elle l’admet sans ambages : ayant grandi dans une région rurale et conservatrice de l’Ohio, la première fois qu’elle a voté, elle a donné sa voix à Donald Trump.

Or c’est l’ex-président républicain, de nouveau candidat pour 2024, qui a nommé des magistrats ultraconservateurs à la Cour suprême, signant l’arrêt de mort de la célèbre décision « Roe c. Wade ».

Jamais Summer n’aurait cru possible un tel « retour en arrière », regrette-t-elle, la voix étranglée par l’émotion. D’où sa détermination à aider à « sauver l’Ohio ».

« Droits parentaux »

Dans l’autre camp, la résolution est tout aussi forte. D’autant plus que plusieurs votes sur l’avortement, organisés ailleurs dans le pays l’an dernier, ont été remportés par les proavortement, même dans des États conservateurs.

Espérant rompre avec cette série noire, le Parti républicain et l’Église catholique, entre autres, se sont mobilisés sans relâche pour exhorter à voter « non », sonnant le tocsin contre un texte « extrême ».

PHOTO MEGAN JELINGER, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les antiavortement assurent que le texte, s’il était adopté, menacerait les « droits parentaux », car il permettrait aux mineures d’interrompre leur grossesse sans l’autorisation de leurs parents. 

L’amendement stipule notamment que tout individu aurait « le droit de prendre et d’appliquer ses propres décisions » en matière d’avortement et de contraception.

Aaron Baer, président du Centre pour la vertu chrétienne, un groupe militant pour une politique publique reflétant « la vérité de l’Évangile », se prépare à aller à la rencontre d’électeurs chez eux, également à Colombus.

L’amendement ferait de son État « l’un des plus libéraux de la nation », dit-il à l’AFP.  

Or « ici c’est l’Ohio, bon sang. Pas la Californie » progressiste, s’indigne-t-il.

Les antiavortement assurent que le texte, s’il était adopté, menacerait les « droits parentaux », car il permettrait aux mineures d’interrompre leur grossesse sans l’autorisation de leurs parents.  

Et qu’il consacrerait le droit d’avorter « à n’importe quel moment pendant la grossesse », comme l’a encore affirmé dimanche le gouverneur républicain Mike DeWine.  

Des affirmations catégoriquement démenties par le camp adverse, qui dénonce une « désinformation » effrénée. Peine perdue.

« J’ai un gros problème avec l’idée que quelqu’un puisse emmener ma fille avorter sans que je ne le sache jamais », insiste M. Baer, qui se dit scandalisé par la possibilité que soit autorisé « l’avortement jusqu’au moment de la naissance, quand l’enfant peut ressentir de la douleur ».

Amy Natoce, porte-parole de la coalition antiavortement « Protect Women Ohio », juge « impératif » que l’amendement ne passe pas.

Le texte a « délibérément été rédigé de manière très large », « pour qu’il s’applique aux mineurs », s’alarme-t-elle.

Après une campagne acharnée, les deux camps attendent les résultats avec anxiété. Lequel aura su mettre au point un possible mode d’emploi sur cette question pour la présidentielle de l’an prochain ? Réponse mardi.