(New York) La Ville de New York met en œuvre de nouvelles règles dans ses centres d’hébergement pour sans-abri, dans le but, selon les autorités, de réduire l’affluence de milliers de migrants arrivant de la frontière sud.

La loi impose à New York de fournir un abri à toute personne qui en fait la demande, mais le maire Eric Adams a annoncé en juillet que les migrants adultes sans enfants ne seraient autorisés à séjourner dans les centres d’hébergement de la Ville que pendant 60 jours avant de devoir présenter une nouvelle demande d’hébergement. Depuis, la Ville a émis environ 13 000 avis concernant la limite de 60 jours, et pour une cinquantaine de personnes, la date limite était samedi.

Vendredi, M. Adams a annoncé un autre changement : le délai pour les migrants qui redemandent un abri ne serait plus que de 30 jours, un changement d’abord rapporté par The City.

« Nous avons atteint un point où nous sommes complets et devons prendre des mesures pour faire passer plus rapidement les demandeurs d’asile par notre système d’hébergement », a déclaré vendredi Anne Williams-Isom, adjointe au maire chargée de la santé et des services sociaux.

Travailler pour s’en sortir

Alors que la tempête tropicale Ophelia déversait des trombes d’eau sur New York samedi, les gens se sont précipités hors de l’hôtel Roosevelt – le principal centre d’accueil de la ville pour les migrants nouvellement arrivés, dans le centre de Manhattan – vers une camionnette où des bénévoles distribuaient de la nourriture et des vêtements.

En rapportant des assiettes de poulet, de riz et de macaronis au fromage, beaucoup ont exprimé leur désarroi et leur inquiétude quant à leur avenir.

« Je n’ai pas d’amis ou de famille chez qui je pourrais rester », a déclaré Ibou Sene, 42 ans, ajoutant qu’il était arrivé du Sénégal il y a quatre mois et qu’il avait passé les deux derniers mois dans un refuge situé à quelques rues de là. Il a été envoyé au Roosevelt et attend depuis vendredi soir de savoir où il sera placé.

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Des migrants attendent d’être triés à l’extérieur de l’hôtel Roosevelt.

À moins d’un kilomètre de là, dans un refuge pour migrants situé dans le Candler Building sur la 42e Rue, Pedro Zambrano Noguera, 58 ans, originaire de Tovar, au Venezuela, s’inquiétait également de l’endroit où il vivrait dans les jours à venir.

M. Zambrano a expliqué qu’il était arrivé à New York en octobre et qu’il avait séjourné dans plusieurs foyers de la ville en attendant que sa demande d’asile soit traitée. Il a indiqué qu’on lui avait dit vendredi qu’il devrait quitter le Candler d’ici dimanche et qu’il pourrait se rendre au Roosevelt pour refaire une demande d’hébergement, ce qu’il avait l’intention de faire.

L’administration Biden a déclaré la semaine dernière qu’elle permettrait à environ 500 000 Vénézuéliens se trouvant déjà aux États-Unis de travailler légalement pendant 18 mois en leur offrant un statut de protection temporaire.

M. Zambrano, qui dit avoir rencontré M. Adams lors d’une manifestation le 9 août et lui avoir dit que « la clé pour nous sortir des abris, c’est un permis de travail », a déclaré qu’il n’avait ni l’argent ni les connaissances nécessaires pour faire une demande.

« Je n’ai nulle part où aller », a-t-il déclaré.

La Ville a proposé des services de gestion de cas pour aider les migrants à trouver un logement permanent. Mais alors que des milliers d’autres personnes franchissent la frontière sud et risquent de se rendre à New York, la scène qui s’est déroulée samedi pourrait être un avant-goût d’un avenir chaotique.

Joshua Goldfein, avocat à la Legal Aid Society, a déclaré que la Ville n’avait pas fait un bon travail de communication sur le nouveau délai, ce qui a provoqué « beaucoup de confusion ».

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Des migrants restent au sec sous le portique de l’hôtel Rooselvelt.

En l’absence d’instructions plus claires, certaines personnes ont compris que les nouvelles limites signifiaient qu’elles ne pouvaient pas faire une nouvelle demande d’hébergement une fois que les 30 jours avaient expiré, a-t-il déclaré.

« Aucune garantie »

Cette décision intervient alors que New York, la seule grande ville américaine à disposer d’un « droit à l’hébergement », peine à loger les plus de 116 000 migrants arrivés depuis le printemps 2022. Plus de 60 000 d’entre eux sont actuellement pris en charge par la Ville, ce qui porte le nombre de personnes hébergées à un niveau record. La Ville a ouvert plus de 200 centres d’hébergement d’urgence.

M. Adams a prévenu, en des termes de plus en plus crus, que la Ville n’était pas prête à aider les milliers de migrants qui arrivent chaque semaine. Ce mois-ci, il a affirmé que la crise « détruira la ville de New York ».

En plus d’appeler le gouvernement fédéral et l’État à fournir davantage de fonds et une « stratégie de décompression » pour alléger le fardeau qui pèse sur la ville, son administration s’est concentrée sur la garantie des refuges.

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Le maire de New York, Eric Adams, est apostrophé pendant un rassemblement en soutien aux migrants dans Manhattan, en août dernier.

En mai, M. Adams a signé un décret pour suspendre temporairement certaines règles, notamment celles qui exigent que les familles soient placées dans des chambres privées avec salle de bains et cuisine, et celles qui fixent une date limite pour la mise à disposition des familles de lits d’hébergement. Le même mois, il a demandé aux tribunaux new-yorkais de libérer la Ville de certaines obligations découlant de l’accord conclu en 1981.

L’annonce de la limite de 60 jours en juillet a été accompagnée de prospectus de la Ville avertissant les migrants qu’il n’y avait « aucune garantie » qu’ils trouveraient un abri et des services à New York.

À l’intérieur des centres d’hébergement, les rumeurs vont bon train, et les migrants attendent. Oswaldo Suárez, 36 ans, qui est arrivé de Caracas, au Venezuela, en octobre, a déclaré qu’il avait demandé l’asile en juin et qu’il vivait au Candler depuis quatre mois. Après avoir appris qu’il avait atteint la limite des 60 jours, il est arrivé au Roosevelt à 10 h vendredi et y attendait toujours à 11 h samedi.

M. Suárez a déclaré qu’il avait besoin d’un abri pour quelques jours supplémentaires afin de pouvoir se rendre à son prochain rendez-vous au tribunal. Il a expliqué qu’il avait travaillé dans la restauration rapide et la plomberie et qu’il économisait pour se rendre dans l’Arkansas, où un ami lui avait promis un emploi dans un restaurant.

« Je veux juste une prolongation de quatre jours pour ma date d’audience et je pars pour l’Arkansas », a déclaré M. Suárez par téléphone depuis le Roosevelt. « Je suis ici depuis plus de 24 heures et ils ne se sont pas occupés de moi. »

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

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