(Washington) Cinq Américains, dont un qui était détenu par l’Iran depuis huit ans, sont rentrés mardi aux États-Unis, grâce à un accord entre Washington et Téhéran facilité par le déblocage de six milliards de dollars de recettes pétrolières iraniennes gelées.

Mais cette apparente éclaircie dans les relations exécrables depuis 40 ans entre les États-Unis et l’Iran a été accueillie avec prudence par les Européens réunis avec la communauté internationale pour l’Assemblée générale de l’ONU à New York. Nombre de ressortissants européens restent détenus « arbitrairement » par Téhéran.

Un avion transportant les cinq anciens prisonniers américains a atterri mardi à l’aube sur une base militaire près de Washington, a annoncé un responsable officiel.

« Bienvenue chez vous », a réagi Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale du président Joe Biden, sur X, photo à l’appui des ressortissants libérés accompagnés de diplomates dans l’avion qui les ramenait aux États-Unis. Sur d’autres clichés, on voit les ex-détenus, tout sourire, embrasser leurs proches sur la base de Fort Belvoir en Virginie.

« Vraiment du bien »

« Cela fait vraiment du bien de pouvoir dire que nos concitoyens sont maintenant libres », s’était félicité lundi le secrétaire d’État Antony Blinken, en justifiant à nouveau l’accord avec Téhéran, très critiqué le Parti républicain américain.

Le président démocrate Joe Biden a eu une conversation « pleine d’émotion » avec les familles des anciens prisonniers, a fait savoir la Maison-Blanche.

Les cinq Américains, et deux membres de leur famille avaient quitté Téhéran lundi matin à bord d’un vol qatari pour Doha où ils ont fait escale avant de décoller pour les États-Unis.

Un transfert de fonds iraniens gelés en Corée du Sud, d’un montant de six milliards de dollars, avait par ailleurs été annoncé à Doha, le Qatar ayant été l’un des médiateurs de l’accord, et confirmé par l’Iran.

Ce transfert d’argent faisait partie de l’accord, tout comme la libération lundi de cinq prisonniers iraniens par les États-Unis, qui ont prévenu qu’ils ne donnaient pas de « chèque en blanc » à l’ennemi iranien avec lequel les relations diplomatiques sont rompues depuis 1980.

Parmi les cinq Américains d’origine iranienne libérés figure l’homme d’affaires Siamak Namazi, arrêté en 2015 et condamné à dix ans de prison en 2016 pour espionnage, Morad Tahbaz, qui possède également la nationalité britannique, et Emad Sharqi, un investisseur qui s’était vu infliger une peine de dix ans d’emprisonnement pour espionnage.  

Les deux autres n’ont pas souhaité être identifiés.

Relatif apaisement

Aux yeux d’experts, cet accord témoignerait d’un relatif apaisement entre l’Iran et les États-Unis, même s’il ne préjuge en rien d’un déblocage sur le dossier du nucléaire iranien.

Washington reste « inébranlable dans son engagement à ce que l’Iran ne se dote jamais de l’arme nucléaire », a rappelé mardi Joe Biden devant l’Assemblée générale de l’ONU.  

Son homologue iranien Ebrahim Raïssi a répondu mardi soir, également aux Nations unies, que les États-Unis devraient « mettre un terme » à leur régime de sanctions contre Téhéran, renforcé après l’échec de l’accord international de 2015 sur le programme nucléaire civil de la République islamique.

Cet accord a volé en éclats en 2018 avec le retrait unilatéral par le président américain d’alors, Donald Trump.

Depuis, les « sanctions n’ont pas produit les résultats voulus », a affirmé M. Raïssi dans un discours virulent contre l’Occident.

La France, qui soutient le principe d’un accord sur le nucléaire iranien et considère que quatre de ses ressortissants sont actuellement détenus arbitrairement en Iran, a néanmoins mis en garde contre le risque de lier les deux dossiers.  

« Nous devons faire attention et distinguer cette question de celle du nucléaire », a souligné la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna, présente à New York.   

« Nous ne sommes pas naïfs », a renchéri Charles Michel, président du Conseil européen. « Nous observons la brutale répression » en Iran et « l’usage d’otages par les autorités pour faire pression sur les gouvernements ».  

« Il y aura des progrès faits vers davantage de stabilité et de sécurité, mais nous ne sous-estimons pas le niveau des tensions et des difficultés », a-t-il averti.

D’ailleurs, après une rencontre à New York entre le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell et son homologue iranien Amir-Abdollahian, l’UE a indiqué dans un communiqué avoir « fermement condamné les détentions arbitraires par l’Iran de nombreux citoyens européens, y compris à la double nationalité » et réclamé leur « libération ».

M. Borrell a aussi dénoncé la « situation très inquiétante des droits humains » en Iran qu’il a sommé de « cesser sa coopération militaire avec la Russie » et de contribuer à « trouver une solution diplomatique à la question du nucléaire ».