(Washington) Jack Lew, nommé mardi ambassadeur des États-Unis pour Israël, est un ex-secrétaire au Trésor réputé être un « négociateur » chevronné, un talent clé à l’heure d’une recrudescence des tensions entre Palestiniens et Israéliens et d’un projet de normalisation des relations entre l’État hébreu et l’Arabie saoudite.

La presse israélienne glosait déjà depuis plusieurs semaines sur l’identité du successeur de Thomas Nides, un ancien banquier ayant servi dans les plus hautes sphères de l’administration avant d’avoir été nommé à Jérusalem quelques mois après l’arrivée à la Maison-Blanche de Joe Biden.

Sous Donald Trump, les États-Unis avaient reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël et déplacé leur ambassade de Tel-Aviv à la ville Sainte allant ainsi à l’encontre du consensus international et au grand dam des Palestiniens qui revendiquent la partie orientale de la ville comme capitale de leur possible futur État.

Depuis, l’administration Biden a tenté de rétablir les ponts avec les Palestiniens, mais a vu ses relations avec Israël, son allié historique, se tendre avec le retour au pouvoir de Benyamin Nétanyahou à la tête d’une coalition intégrant des éléments d’extrême droite qui promeut une réforme contestée du système judiciaire.

New-yorkais, Juif orthodoxe dont la pratique religieuse n’a jamais entravé son travail, soulignaient il y a quelques années de proches collaborateurs, Jack Lew est un habitué du monde politique de Washington où il s’est taillé la réputation d’être un homme de dossier.  

Diplôme de Harvard en poche, Jacob (dit « Jack ») Lew a passé depuis 1979 l’essentiel de sa carrière dans la capitale fédérale, faisant ses débuts comme attaché parlementaire du président (démocrate) de la Chambre des représentants Thomas O’Neill pendant huit années au cours desquelles il décrochera un titre de docteur en droit de l’Université de Georgetown, située dans la capitale américaine.

Lorsque son mentor prend sa retraite en 1987, il devient avocat dans un grand cabinet de Washington.

Le président Bill Clinton l’appelle en 1993 parmi ses conseillers. Il est nommé l’année suivante au bureau du budget de la Maison-Blanche, dont il gravit les échelons jusqu’à en devenir directeur, poste équivalent à celui de secrétaire d’État au Budget, qu’il occupe de 1998 jusqu’à 2001.

Du budget à l’Iran

Pendant cette période, le budget des États-Unis dégage des excédents pour la première fois depuis 1960, et Jack Lew passe pour un « deal maker », capable de forger des accords avec le Congrès sur les questions clés liées à la dette et à la façon d’assainir les comptes publics.

Toujours disponible et doté d’une grande capacité d’écoute, selon plusieurs personnes l’ayant côtoyé à divers moments de sa carrière, il est promu secrétaire au Trésor (2013-2017) sous Barack Obama.

Au cours de cette période, l’administration Obama est à la manœuvre d’un accord international qui vise à réguler le programme nucléaire iranien en échange de la levée progressive de sanctions économiques contre Téhéran.  

Jack Lew défend alors cet accord, soulignant que l’encadrement du programme nucléaire iranien renforce la sécurité d’Israël, ennemi numéro 1 de Téhéran, en empêchant la République islamique de se doter de l’arme atomique.  

Mais l’accord de 2015 est fustigé par le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou avant que les États-Unis ne s’en retirent trois ans plus tard sous la direction de Donald Trump, une décision saluée par M. Nétanyahou qui avait resserré ses liens avec les Républicains.

Le soutien de M. Lew à l’accord sur le nucléaire pourrait venir le hanter, car sa nomination doit encore être entérinée par le Sénat – contrôlé par les démocrates, mais où les républicains pourraient s’opposer à l’approche de la présidentielle 2024 – voire cambrer ses relations avec M. Nétanyahou, de retour au pouvoir.

Pour David Makovsky, analyste au Washington Institute for Near East Policy, il s’agit de la première fois qu’un ancien membre du cabinet d’un président des États-Unis, est nommé ambassadeur en Israël, ce qui témoigne « de la grande l’importance qu’accorde » Joe Biden à cette relation bilatérale.

« Cela arrive à un moment difficile », reconnaît M. Makovsky, un ami de longue date de Jack Lew.     

Partisan de la solution à « deux États », un État palestinien viable aux côtés d’Israël, M. Lew est nommé à l’heure des violences les plus meurtrières en Cisjordanie occupée depuis la fin de la seconde intifada, soulèvement palestinien du début des années 2000, et une vague d’attaques en Israël.

En parallèle, Washington tente d’étendre à l’Arabie saoudite les accords récents de normalisation entre Israël et des pays arabes (Émirats, Bahreïn, Maroc), un autre défi pour le « négociateur » Lew qui, à 68 ans, reprend du service après une pause dans l’enseignement.