(Washington) En demandant aux Américains de lui laisser les clés de la Maison-Blanche jusqu’à ce qu’il ait 86 ans, Joe Biden braque une nouvelle fois les projecteurs sur la vice-présidente Kamala Harris.

Première femme et première personne afro-américaine et d’origine asiatique à ce poste, elle est déjà entrée dans les livres d’histoire le 20 janvier 2021, en prêtant serment sur les marches du Capitole à Washington.

Depuis, la démocrate désormais âgée de 58 ans a pu vérifier la description lapidaire du poste peut-être le plus ingrat du pouvoir américain, par celui qui fut le premier à l’occuper.

« Je suis vice-président. C’est-à-dire que je ne suis rien, mais que je peux être tout », avait lancé John Adams, vice-président de George Washington, puis lui-même président de 1797 à 1801.

Si Joe Biden était réélu, Kamala Harris lui succéderait en cas de décès ou d’incapacité, comme le prévoit la Constitution.

1 h 25

Le dernier bilan médical du président de 80 ans en février 2023 le dit « en bonne santé » mais jamais encore la Maison-Blanche n’avait eu un locataire si âgé.

Kamala Harris a d’ailleurs déjà exercé le pouvoir présidentiel pendant exactement une heure et 25 minutes en novembre 2021, pendant que Joe Biden subissait une coloscopie sous anesthésie générale.

Le vice-président intéresse généralement peu le grand public, à quelques exceptions près, par exemple Dick Cheney, réputé tellement influent auprès de George W. Bush qu’il a eu droit à un film nommé aux Oscars.

Mais le parcours personnel et politique de Kamala Harris lui a valu plus d’attention – et, selon ses partisans, plus de critiques – qu’auparavant.

Pionnière en série, cette fille d’un père jamaïcain et d’une mère indienne a été la première femme et première personne noire à devenir procureure générale de Californie, puis la première sénatrice originaire d’Asie du Sud.  

De sa carrière de magistrate, elle garde une réputation de dureté. Certains progressistes lui reprochent d’avoir puni durement les petits délits, ce qui a affecté surtout les minorités.

Joe Biden et sa vice-présidente ne manifestent pas la même complicité que l’actuel président avait avec Barack Obama, dont il a été le second pendant deux mandats.

Quête de visibilité

Mais la Maison-Blanche semble décidée à donner plus de visibilité à la « veep », pour tâcher de faire oublier deux premières années en demi-teinte, qui lui ont valu une flopée d’articles peu flatteurs.

Dans sa vidéo de candidature, Joe Biden la fait apparaître à de nombreuses reprises ; et communiqués et site de campagne laissent peu de place au doute quant à sa place sur le tandem en vue de l’élection.

Kamala Harris a aussi bouclé récemment une tournée en Afrique qui a été considérée comme un succès diplomatique, au contraire de certaines de ses autres incursions sur la scène internationale, en particulier autour de la brûlante question de l’immigration en provenance d’Amérique latine.

Elle a également fait un déplacement éclair en soutien à des élus afro-américains du Tennessee, temporairement exclus du parlement local pour avoir participé à une manifestation pour un plus grand contrôle des armes.  

PHOTO CHENEY ORR, ARCHIVES REUTERS

Justin Pearson et Justin Jones avaient participé en mars à une manifestation à l’intérieur du Capitole du Tennessee pour exiger un meilleur contrôle des armes à feu, à la suite d’une fusillade à Nashville, au cours de laquelle trois enfants et trois adultes ont été tués.

L’affaire, qui mêle deux questions particulièrement difficiles aux États-Unis, celle des armes et celle des tensions raciales, avait été très suivie.

Kamala Harris joue aussi un rôle important sur un autre dossier clivant au possible : celui du droit à l’avortement, qu’elle défend avec vigueur et sur lequel elle s’exprimera mardi dans un discours.

Ses déclarations en public sur l’avortement ont rappelé la démocrate pugnace qui avait, lors d’un débat de la primaire, invoqué son histoire personnelle pour attaquer les positions passées de Joe Biden en matière de déségrégation raciale dans les années 1970.

Sa campagne s’était ensuite essoufflée et elle avait jeté l’éponge avant même le premier scrutin.

Joe Biden l’avait malgré tout invitée à être sa colistière.  Et pour cette nouvelle campagne, le président octogénaire sait qu’il a besoin de Kamala Harris pour s’adresser à l’électorat féminin et aux minorités.

La vice-présidente se présente comme une femme fière de la famille mixte et recomposée construite avec son époux, l’avocat Douglas Emhoff. Lequel est lui aussi un pionnier : il est le premier « Second Gentleman » que les États-Unis ont jamais connu, et le premier conjoint de confession juive.