(Washington) À l’approche des cruciales élections législatives de mi-mandat aux États-Unis, un président démocrate fait vigoureusement campagne… sauf que ce n’est pas Joe Biden.

D’ici le 8 novembre, date de ce scrutin aux enjeux conséquents, c’est Barack Obama que l’on verra partout, sur le terrain et dans les clips de campagne, plutôt que l’actuel locataire de la Maison-Blanche.

Vendredi, les deux hommes ont toutefois pris la parole au même moment, à deux coins des États-Unis : Joe Biden en Pennsylvanie (nord-est), Barack Obama en Géorgie (sud), deux États déterminants pour la campagne du parti démocrate.

Et tous deux ont décliné, au fond, le même discours : il s’agit de sauver la démocratie américaine en faisant barrage aux républicains, le parti de Donald Trump.

Voler la vedette

Mais l’ancien président démocrate, jouant de son sens de la répartie et de son art des « punchlines », a volé la vedette à celui qui fut son vice-président, et qui n’a jamais eu son aisance oratoire.

« S’ils gagnent, impossible de dire ce qui pourrait se passer », a dit à propos des conservateurs un Barack Obama en verve et en bras de chemise, savourant visiblement l’enthousiasme de son auditoire à Atlanta.

Je veux que vous décolliez de votre canapé et que vous alliez voter ! Posez votre téléphone, laissez TikTok tranquille, allez voter ! ».

Barack Obama, ex-président américain

Enchaînant samedi dans le Michigan (nord), à Detroit, l’ancien président a pu faire la démonstration de cette répartie.

« Monsieur, c’est justement ce que j’essaie de faire valoir. On a un cadre ici dans notre démocratie. Là, c’est moi qui parle, vous aurez l’occasion de parler plus tard. Vous ne feriez pas ça sur votre lieu de travail », a-t-il lancé, interpellé par un protestataire.

L’ancien président — de 2009 à 2017 — s’était écarté de l’arène politique, se consacrant à d’autres activités : production de documentaires, publications, philanthropie…

Mais il y fait un retour très remarqué, enchaînant les rassemblements : après la Géorgie, le Michigan et le Wisconsin samedi, il sera dans le Nevada mardi, puis en Pennsylvanie.

Les sondages, à prendre avec bien des pincettes, prédisent pour l’instant que le parti démocrate gardera son précaire contrôle du Sénat, mais perdra celui de la Chambre des représentants au profit de l’opposition républicaine.

La récente remontée dans les enquêtes d’opinion des candidats de la droite conservatrice, y compris des plus virulents poulains de l’ex-président républicain Donald Trump, fait toutefois craindre à la Maison-Blanche des pertes plus massives que prévu à la Chambre. Voire un basculement du Sénat, ce qui mettrait les deux chambres du Congrès sous le contrôle des républicains.

« Dégelée »

Barack Obama est, d’une certaine manière, bien placé pour sonner l’alarme : son parti avait essuyé ce qu’il avait lui-même qualifié de « dégelée » lors des élections législatives de 2010, marquant la moitié de son premier mandat.

PHOTO REBECCA COOK, REUTERS

Barack Obama aux côtés de la gouverneure du Michigan Gretchen Whitmer

« Il y a un danger inhérent au fait d’être à la Maison-Blanche et d’être dans la bulle », avait-il à l’époque remarqué à propos de ces élections qui, depuis 160 ans, sanctionnent quasiment toujours le parti au pouvoir.

Joe Biden, qui se targue régulièrement d’être un président proche de la « classe moyenne », éloigné du microcosme de Washington, donne pourtant l’impression depuis le début de la campagne de rester abrité dans la « bulle » en question.

Il se déplace régulièrement et lève des fonds pour le parti démocrate, mais le président de 79 ans, impopulaire, ne s’est pas aventuré jusqu’ici dans certains États très disputés tels que l’Arizona.

Et il tiendra son ultime rassemblement de campagne la veille du scrutin en terrain connu, dans le très démocrate Maryland (est).

Barack Obama s’était inquiété sur la direction adoptée par les démocrates, dans une interview mise en ligne mi-octobre, craignant de les voir se lancer dans des polémiques abstraites, autour de sujets de société complexes et de questions de vocabulaire, au risque d’apparaître déconnectés des préoccupations quotidiennes.

Et ce, face à des républicains ayant adopté des stratégies électorales très simples, martelant sur tous les tons les mêmes messages, contre la criminalité et contre la vie chère.

Estimant que la politique ne devait pas être une affaire de « rabat-joie », Barack Obama avait dit : « Et parfois les démocrates le sont, n’est-ce-pas ? ».

« Être seulement un peu plus concret et un peu plus prosaïque, je pense que cela ferait beaucoup pour contrer la propagande continuellement diffusée par Fox News », la chaîne favorite de la droite radicale, avait estimé Barack Obama.