(New York) En temps normal, Joe Biden participerait à des réunions électorales à Atlanta, Milwaukee, Las Vegas et Detroit, entre autres grandes villes situées dans les États où se déroulent les batailles les plus importantes en vue des élections de mi-mandat.

Or, jeudi après-midi, le président démocrate s’est retrouvé à Syracuse, ville de taille moyenne située dans le nord de l’État de New York, État bleu par excellence. Et, à partir de ce vendredi à Atlanta, en Géorgie, c’est plutôt Barack Obama, son ex-patron, qui multipliera les déplacements dans les villes et États où se joueront la majorité au Sénat américain et quelques postes de gouverneur.

L’itinéraire de Joe Biden en dit long sur la situation difficile des démocrates à l’approche du scrutin de novembre. Il reflète l’impopularité de l’occupant de la Maison-Blanche, dont la présence est devenue indésirable dans certaines régions de son pays. Et il démontre la vulnérabilité des démocrates dans certains de leurs châteaux forts, dont l’État de New York, où la grogne contre l’inflation est la même que partout ailleurs aux États-Unis.

Les stratèges de la Maison-Blanche avaient certes de bonnes raisons de placer Syracuse sur l’itinéraire de plus en plus restreint de Joe Biden. Au début du mois, le fabricant de semi-conducteurs américain Micron a annoncé son intention d’investir jusqu’à 100 milliards de dollars sur 20 ans pour construire quatre usines dans la région. Ses dirigeants ont précisé que ce projet, susceptible de créer 50 000 emplois, n’aurait pas été possible sans la loi CHIPS promulguée par Joe Biden l’été dernier pour aider l’industrie des semi-conducteurs à concurrencer les Chinois.

Le président démocrate s’est donc servi de Micron comme exemple des bienfaits économiques auxquels les collectivités comme Syracuse peuvent s’attendre si les démocrates restent majoritaires aux deux chambres du Congrès américain.

Et il a mis en contraste cet exemple avec le programme des républicains, qui inclut notamment, selon lui, l’élimination d’un crédit d’impôt pour réduire les coûts de l’énergie, d’un plafond pour limiter les prix de l’insuline et d’un impôt minimum pour les sociétés.

« C’est le plan », a-t-il déclaré, entouré des deux sénateurs démocrates de New York, Chuck Schumer et Kirsten Gillibrand, et de la gouverneure démocrate de New York, Kathy Hochul. « Je dirais que c’est un plan imprudent et irresponsable qui aggravera l’inflation s’ils le mettent à exécution. Et puis ils enchaîneront en s’en prenant au régime public des retraites », a-t-il ajouté.

Trop tard ?

Le déplacement de Joe Biden à Syracuse intervient au moment où les démocrates réalisent que le thème de l’avortement pourrait ne pas suffire à endiguer une vague rouge le 8 novembre. Ce constat ne s’applique pas seulement aux États pivots traditionnels, mais également à certains États bleus, dont New York, où la présence de Joe Biden peut encore aider selon les stratèges démocrates.

Mais le nouveau discours du président n’arrive-t-il pas trop tard ?

« Non, ce n’est pas trop tard pour les gens qui commencent à peine à porter attention aux élections ou ceux qui ne sont pas des partisans endurcis », répond Christopher Faricy, politologue à l’Université de Syracuse.

L’annonce de Micron a été une grosse nouvelle, tant sur le plan local que sur le plan national. C’est quelque chose qui enthousiasme les gens et dont les démocrates de New York et de Washington peuvent s’attribuer le mérite.

Christopher Faricy, politologue à l’Université de Syracuse

La gouverneure Kathy Hochul espère évidemment profiter du passage de Joe Biden à Syracuse. Dans la dernière ligne droite de la campagne, elle a vu son avance se rétrécir dangereusement face à son rival républicain, Lee Zeldin, qui représente une circonscription de Long Island à Washington. Ce dernier ne martèle pas seulement le thème de l’économie, mais également celui de la criminalité, comme le font plusieurs autres candidats républicains d’un bout à l’autre des États-Unis.

PHOTO MARY ALTAFFER, ASSOCIATED PRESS

Lee Zeldin et Kathy Hochul lors du débat de lundi soir

Lundi soir, les deux candidats se sont affrontés lors de l’unique débat télévisé de la campagne. Quand Kathy Hochul a reproché à son rival de ne rien proposer pour mieux contrôler les armes à feu, celui-ci a répliqué : « Kathy Hochul pense que les seuls crimes qui sont commis sont ces crimes avec des armes à feu, et vous avez des gens qui ont peur d’être poussés devant les wagons de métro qui arrivent. Ils sont poignardés, battus à mort dans la rue avec des marteaux. […] Nous devrions parler de ces crimes, mais Kathy Hochul préfère se vanter du travail bien fait. »

Offensive rouge

Les républicains sont également à l’offensive dans des circonscriptions de l’État de New York où personne, ou presque, ne leur aurait donné une chance il y a quelques semaines. C’est notamment le cas d’une circonscription située dans la banlieue nord de New York et défendue par Sean Patrick Maloney, qui est également président du comité électoral des démocrates de la Chambre des représentants.

« Les démocrates pourraient perdre le contrôle de la Chambre seulement avec quelques sièges basculant dans le camp républicain de l’État de New York », commente le professeur Faricy.

Dans des circonscriptions de l’Oregon et du Rhode Island, où Joe Biden a facilement battu Donald Trump en 2020, des représentants démocrates doivent également se battre pour leur survie.

Joe Biden s’est déjà rendu en Oregon pour tenter d’éviter le pire. Le 5 novembre, il rejoindra Barack Obama à Philadelphie et à Pittsburgh, deux villes de Pennsylvanie, son État natal, où il est encore le bienvenu.