(New York) Le vrai coup de théâtre serait que Donald Trump accepte l’assignation.

Jeudi après-midi, à la toute fin de ce qui devrait être sa dernière audition publique, la Commission du 6-Janvier a créé la surprise. Ses neuf membres ont adopté à l’unanimité une résolution visant à assigner le 45e président à témoigner sur son rôle dans les évènements qui ont mené à l’attaque contre le Capitole par ses partisans, le 6 janvier 2021.

« Nous n’avons laissé aucun doute – aucun – sur le fait que Donald Trump a mené un effort pour suspendre la démocratie américaine qui a abouti à la violence du 6-Janvier », a déclaré Bennie Thompson, représentant démocrate du Mississippi et président de la Commission, avant le vote.

Il est la seule personne au centre de l’histoire de ce qui s’est passé le 6 janvier [2021], et nous voulons donc l’entendre. Il est tenu de répondre de ses actes.

Bennie Thompson, représentant démocrate du Mississippi et président de la Commission

Donald Trump a réagi à son assignation en formulant sur le site Truth Social une série de questions qui constituent vraisemblablement une fin de non-recevoir.

« Pourquoi [la Commission] ne m’a-t-elle pas demandé de témoigner il y a des mois ? Pourquoi a-t-elle attendu jusqu’à la toute fin […] ? Parce que la Commission est un échec total qui n’a servi qu’à diviser davantage notre pays ? »

Donald Trump ne serait certes pas le premier président à témoigner devant une commission du Congrès. Au moins quatre l’ont déjà fait, dont Harry Truman et Gerald Ford, au XXe siècle.

Mais le prédécesseur de Joe Biden ne manquerait sans doute pas de contester devant les tribunaux une accusation d’outrage au Congrès découlant de son refus de témoigner. Cela supposerait évidemment que le département de la Justice veuille ajouter une nouvelle affaire aux deux autres dossiers qui l’accaparent déjà concernant Donald Trump.

« Compte tenu de l’improbabilité que Trump témoigne un jour, je crains que la Commission ne soit accusée de faire de l’esbroufe », a commenté Stephen Gillers, professeur de droit constitutionnel à l’Université de New York.

D’autant que la Commission du 6-Janvier sera dissoute, si les républicains deviennent majoritaires à la Chambre après les élections de mi-mandat – prévues au début de novembre –, une forte probabilité.

Enquête de longue haleine

Le vote de la Commission du 6-Janvier est intervenu à la fin d’une audition qui visait à résumer les principales conclusions d’une enquête de plus d’un an sur le rôle de Donald Trump dans les efforts pour renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020.

La Commission a dévoilé de nouveaux éléments qui l’ont poussée à accuser Donald Trump d’avoir longuement planifié son rejet des résultats de l’élection.

La représentante démocrate de Californie Zoe Lofgren a notamment présenté un courriel envoyé le 31 octobre 2020 à la Maison-Blanche par Tom Fitton, président du groupe conservateur Judicial Watch et proche allié de Trump. Selon la suggestion de Fitton, ce dernier devait dire, le soir de l’élection : « Les bulletins de vote comptés à la date limite du jour du scrutin montrent que le peuple américain m’a fait le grand honneur de me réélire à la présidence des États-Unis. »

À quelques mots près, Donald Trump a suivi la suggestion de Fitton le soir de l’élection.

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Zoe Lofgren, représentante démocrate de Californie

Ce grand mensonge – l’effort du président Trump pour convaincre les Américains qu’il avait gagné l’élection de 2020 – a commencé avant même que les résultats de l’élection ne soient connus.

Zoe Lofgren, représentante démocrate de Californie

La Commission a également divulgué des messages et des témoignages confirmant que Donald Trump avait tenté à plusieurs reprises de prendre la route du Capitole avec ses partisans le 6 janvier 2021, et ce, même après avoir appris que certains d’entre eux étaient armés et que d’autres s’étaient mis à attaquer la police.

PHOTO JACQUELYN MARTIN, ASSOCIATED PRESS

Le sergent Aquilino Gonell, de la police du Capitole, à gauche, et le sergent Harry Dunn, de la police du Capitole

Un responsable de la sécurité nationale a commenté ainsi la situation, selon un témoignage entendu pendant l’audition : « Le président voulait mener des dizaines de milliers de personnes au Capitole. Je pense que c’était un motif suffisant pour que nous soyons alarmés. »

Contenu inédit

Pendant ce temps, les dirigeants du Congrès étaient réfugiés dans un bunker situé sur une base militaire à l’extérieur de Washington. La Commission a montré des vidéos inédites de la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et du chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, en train de multiplier les appels à l’aide aux responsables gouvernementaux.

« Ils sont évidemment en train de saccager nos bureaux. Ce n’est rien », déclare Pelosi à un moment donné en s’adressant au téléphone à Jeff Rosen, procureur général des États-Unis par intérim. « L’inquiétude que nous avons concerne la sécurité des personnes – cela transcende tout. »

Schumer intervient : « Pourquoi ne demandez-vous pas au président de leur dire de quitter le Capitole, monsieur le procureur général, dans le cadre de votre responsabilité d’application de la loi ? »

La Commission du 6-Janvier doit produire un rapport d’enquête. Elle ne parviendra cependant pas à boucler ce travail avant les élections de mi-mandat, comme prévu. Selon sa vice-présidente, Liz Cheney, elle pourrait par ailleurs recommander au département de la Justice de formuler des accusations en lien avec les évènements qui ont mené à l’attaque du Capitole.

Mais avant, la représentante républicaine du Wyoming veut entendre le témoignage de Donald Trump sous serment.

« Nous sommes obligés de chercher des réponses directement auprès de l’homme qui a mis tout cela en branle. Et chaque Américain a droit à ces réponses afin que nous puissions agir maintenant pour protéger notre république », a-t-elle déclaré.

Bonne chance.