(New York) Après 40 jours de voyage du Venezuela à la frontière mexicano-américaine, Gustavo Mendez est monté dans un bus au Texas et a débarqué à New York. Sans comprendre que, comme des milliers de migrants latino-américains ces derniers mois, il sert de « pion » dans une bataille politique entre républicains et démocrates.

La politique d’immigration et d’accueil de la première puissance mondiale, notamment de migrants d’Amérique latine, a toujours été un sujet explosif aux États-Unis.  

Et à trois mois des élections législatives de mi-mandat, où les démocrates pourraient perdre leur majorité au Congrès, le gouverneur républicain du Texas Greg Abbott – qui veut être réélu en novembre – met la pression sur le gouvernement de Joe Biden.

M. Abbott, dont l’immense État frontalier avec le Mexique est confronté à une immigration massive quotidienne, a affrété depuis avril des centaines de bus qui transportent gratuitement des immigrés et demandeurs d’asile vers Washington.  

Depuis le 5 août, de premiers bus relient aussi le Texas à New York.  

La capitale fédérale et la mégapole économique et culturelle sont des bastions démocrates.

« Ville sanctuaire »

« Outre Washington, New York est la destination idéale pour ces migrants qui peuvent profiter de tous les services d’accueil d’une ville sanctuaire dont se vante le maire (démocrate de New York) Eric Adams », a ainsi ironisé, vendredi dernier, le gouverneur républicain.

M. Abbott, un conservateur, a ajouté « espérer que (M. Adams) tienne sa promesse d’accueillir tous les migrants à bras ouverts et soulage ainsi les villes frontalières (du sud des États-Unis) débordées » par l’afflux d’étrangers.  

Des propos « répugnants », a tonné la mairie de New York.

Débarqué mercredi à l’aube du Texas dans la gigantesque gare routière de Manhattan, Gustavo Mendez, un technicien vénézuélien de 40 ans, ne sait rien de ces joutes politiques.  

L’homme raconte à l’AFP qu’une fois entré aux États-Unis par la frontière mexicaine, les autorités texanes lui ont « donné le choix : se rendre où (il) voulai(t) par ses propres moyens ou monter dans un bus gratuit pour New York ».

Il a « choisi » New York, car il « n’avai(t) pas les moyens d’aller ailleurs ».

« Sans précédent »

D’après le responsable de la politique d’immigration à la mairie new-yorkaise, Manuel Castro, « la situation est sans précédent ».

Le gouverneur Abbott se sert d’êtres humains comme des pions politiques pour susciter du ressentiment contre les immigrés.

Manuel Castro, responsable de la politique d’immigration à la mairie new-yorkaise

Pour autant, cette ville-monde mythique de New York s’est développée grâce aux vagues d’immigration pour devenir une incroyable mosaïque culturelle de 8,5 millions d’âmes, et est « fière d’accueillir le plus de réfugiés, demandeurs d’asile et migrants fraîchement arrivés » aux États-Unis, souligne M. Castro.

Et la mégapole s’organise.  

« Notre priorité est le bien-être de ces personnes et de leurs familles dont beaucoup ont soif, faim et besoin d’un examen médical à leur arrivée », assure le responsable municipal.

Du personnel soignant et des dizaines de bénévoles d’associations humanitaires sont à pied d’œuvre depuis une semaine au Port Authority Bus Termnal, la gare routière de Manhattan.

Les bus du Texas – de nouveau sont attendus ce week-end – transportent plus d’hommes seuls que de femmes et d’enfants. La plupart sont des Vénézuéliens, les traits tirés, un petit sac à dos, voire un sac plastique, comme bagage.

« Séquelles »

Pour « John », 39 ans, qui se dit Vénézuélien, mais refuse de donner son nom, « ce voyage laisse des séquelles psychologiques et physiques ».

Jusqu’aux premiers bus du Texas, de mai à août, 4000 demandeurs d’asile – des Vénézuéliens, Nicaraguayens et Haïtiens protégés par une loi fédérale – s’étaient réfugiés à New York, selon la municipalité.

Ils ont des papiers et des logements temporaires et leur régularisation est examinée par les services de l’immigration.

Mais les ressortissants d’autres pays d’Amérique latine considérés comme des migrants économiques doivent se débrouiller pour trouver des proches ou des foyers d’accueil.  

Et sans pouvoir travailler légalement avant des mois.

C’est le sort de Richard Castillo, Péruvien de 28 ans, arrivé à New York en mai avec sa femme et leurs deux jeunes enfants.  

L’homme raconte, les larmes aux yeux, que leur rendez-vous avec l’administration est en mars, qu’ils ont tout juste de quoi manger et se loger et qu’il porte un bracelet électronique pour l’empêcher de chercher un emploi.

La municipalité de New York a annoncé l’ouverture de 11 centres d’accueil d’urgence à Manhattan et dans les arrondissements plus populaires de Brooklyn et du Queens. Un nouveau foyer permanent au cœur de Manhattan devrait aussi accueillir bientôt 600 familles d’étrangers.