Des acteurs de la droite américaine prônent le renforcement de la sécurité scolaire plutôt qu’un meilleur contrôle des armes à feu, dans la foulée de la tuerie ayant fait 21 morts dans une école primaire d’Uvalde, au Texas. Selon de nombreux experts, ces mesures coûteuses ne sont toutefois pas une solution viable et efficace contre les fusillades en milieu scolaire.

« Plutôt que d’acheter tous ces jouets et ces jeux aux enfants, investissez dans la sécurité de la salle de classe », a proposé aux parents Maureen O’Connell, ancienne agente du FBI, sur les ondes de Fox News. « On peut mettre de jolies doudous colorées contre les murs, des doudous pare-balles », a-t-elle ajouté.

Regardez le gazouillis

Sur la chaîne de télévision conservatrice américaine, d’autres commentateurs privilégieraient plutôt l’embauche de policiers à la retraite à temps plein dans l’enceinte de l’école ou l’installation de fenêtres pare-balles afin d’éviter d’autres tragédies comme celle d’Uvalde.

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Ces pistes de solution sont avancées par les partisans du hardening, explique au téléphone Francis Langlois, membre associé de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. Le hardening fait référence au renforcement de la sécurité scolaire par des moyens technologiques ou la présence de personnel armé.

Au pays de l’Oncle Sam, l’industrie de la sécurité scolaire représentait 2,7 milliards de dollars américains en 2018, soit plus de 3,4 milliards de dollars canadiens, d’après des chiffres de la firme britannique Omdia, spécialisée dans l’analyse stratégique des technologies.

Cette industrie comporte deux volets. Le premier est du hardening, qui vise à renforcer la sécurité à l’aide de multiples outils tels que des détecteurs de métal, des caméras de surveillance ou même des fenêtres, tableaux, sacs à dos et structures de jeux pare-balles. Il est aussi question d’embaucher des agents de sécurité armés ainsi que de fournir des armes aux enseignants. L’autre volet inclut des formations préparatoires pour les écoles en cas d’attaque, dont la populaire formation ALICE, acronyme d’Alert, Lockdown, Inform, Count, Evacuate (alerter, confiner, informer, compter, évacuer).

PHOTO DAVID WALTER BANKS, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Détecteur de métal à l’entrée d’une école secondaire à Atlanta.

Une approche peu probante

Selon Francis Langlois, ces mesures très coûteuses s’avèrent inutiles. « Les gardiens dans les écoles, il y en avait un à Parkland, cela n’a rien changé, rappelle-t-il. La semaine dernière, il y a eu une fusillade terrible à Buffalo. Il y avait un gardien armé, mais le tireur avait un gilet pare-balles, donc il s’en est sorti. »

« Peu de données démontrent que des vies sont sauvées en ajoutant beaucoup d’armes à feu, des policiers ou des fenêtres pare-balles », affirme Ron Avi Astor, professeur de travail social et spécialiste de la sécurité en milieu scolaire à l’Université de Californie à Los Angeles, en entrevue avec La Presse.

[Il y a] des preuves limitées et contradictoires dans la littérature sur l’efficacité à court et à long terme de la technologie de sécurité scolaire.

Extrait d’une étude de 2016 financée par le gouvernement fédéral américain et réalisée par l’Université Johns Hopkins

Ron Avi Astor pense aussi que les mesures de renforcement de la sécurité scolaire sont non seulement inefficaces pour lutter contre la violence armée dans les écoles, mais qu’elles peuvent aussi nuire au bien-être des élèves.

« Ils se sentent comme en prison, ils sont trop surveillés. C’est particulièrement le cas chez les enfants noirs ou d’origine hispanique. Beaucoup de données soulignent que ces mesures augmentent les risques de démêlés judiciaires et de décrochage scolaire », souligne le chercheur.

Selon lui, le plus grand risque provient des accidents, par exemple, la mauvaise manipulation d’une arme par les enseignants.

Comment fait-on pour entraîner des millions d’enseignants, de concierges, de directeurs d’école à manier des armes ? C’est une chose d’en avoir une sur soi, mais c’est une autre chose, sous l’effet du stress et sous la menace de prendre son arme et de tirer.

Francis Langlois, membre associé de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand

Bien que le débat autour des armes à feu aux États-Unis soit clivé, une grande majorité d’électeurs démocrates et républicains (90 % et 85 %) s’entendent sur l’idée de restreindre l’achat d’armes à feu chez les personnes souffrant de maladie mentale, révèle un sondage réalisé en 2021 par le Pew Research Center. Une majorité de démocrates (92 %) et de républicains (70 %) sont aussi favorables à la soumission des ventes d’armes privées et des ventes dans les expositions d’armes à feu à des vérifications d’antécédents.

Selon Ron Avi Astor, le « gros bon sens » passe par des législations pour restreindre l’accès aux armes à feu, particulièrement pour les jeunes. « Il ne faut pas compter que sur des lois fédérales. Il faut entamer un dialogue sur le plan local et nous demander qui nous sommes et à quoi nous voulons que nos écoles ressemblent », conclut-il.

Francis Langlois abonde dans son sens : « Transformer les écoles en bunkers n’est pas une solution non plus. »

Quelques dispositifs de sécurité proposés pour les écoles

PHOTO ZACK WITTMAN, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Sac à dos pare-balles

  • Sac à dos pare-balles
  • Structure de jeux pare-balles
  • Détecteurs de métal
  • Agent de sécurité armé dans une école
  • Caméras de surveillance
  • Tableaux et fenêtres pare-balles
  • Doudou et couverture pare-balles
En savoir plus
  • 87 %
    Pourcentage des Américains de toute allégeance politique qui souhaitent que l’accès aux armes soit réduit chez les personnes atteintes de maladie mentale
    Source : Pew Research Center, 2021
    70 % et 92 %
    Pourcentage respectif des républicains et des démocrates qui croient que la vente privée d’armes à feu et les ventes dans les expositions d’armes à feu devraient être assujettis à une vérification des antécédents judiciaires
    Source : Pew research center, 2021
  • 2,7 milliards
    Chiffre d’affaires, en dollars américains, du marché des équipements et des services de sécurité dans les écoles aux États-Unis en 2018
    Source : Omdia