L’Assemblée législative de l’Oklahoma a donné jeudi son approbation finale à un projet de loi interdisant presque tous les avortements à partir de la fécondation, ce qui en ferait la loi sur l’avortement la plus stricte du pays.

Cette loi est calquée sur celle entrée en vigueur au Texas en septembre, qui repose sur une application civile – plutôt que pénale – pour contourner les contestations judiciaires. Mais elle va plus loin que la loi texane, qui interdit les avortements après environ six semaines de grossesse.

Ce projet de loi soumet les prestataires d’avortement et toute personne qui « aide ou encourage » un avortement à des poursuites civiles de la part de particuliers. Il prendrait effet dès sa signature par le gouverneur Kevin Stitt, un républicain qui s’est engagé à faire de son État le plus hostile à l’avortement du pays.

L’Assemblée législative, dirigée par les républicains, lui a prêté main-forte en adoptant interdiction sur interdiction, dans le but de rendre l’avortement totalement illégal. Ensemble, ils ont placé l’Oklahoma en tête du peloton des États républicains qui s’empressent d’adopter des lois restreignant ou interdisant l’avortement en prévision de l’annulation prochaine par la Cour suprême de l’arrêt Roe c. Wade, qui a établi un droit constitutionnel à l’avortement.

Une note écrite par le juge Samuel Alito, qui a fait l’objet d’une fuite – ainsi que les arguments oraux dans le cas en question, une loi du Mississippi qui interdit la procédure après 15 semaines de grossesse –, indique que la Cour était prête à le faire.

S’il est signé par le gouverneur, le projet de loi de l’Oklahoma priverait les femmes du Texas d’une autre option, celle de traverser la frontière de l’État pour obtenir des procédures légales. Il vise à punir jusqu’aux personnes de l’extérieur de l’État qui aident les femmes de l’Oklahoma à se faire avorter.

L’Oklahoma a déjà une disposition qui bannirait immédiatement l’avortement si la Cour invalidait la décision Roe. L’État dispose aussi d’une interdiction de l’avortement datant de bien avant la décision Roe en 1973. Il y a deux semaines, juste après la fuite, Kevin Stitt a signé une interdiction de six semaines étroitement modelée sur la législation du Texas. Le mois précédent, il avait signé une loi qui entrera en vigueur à la fin du mois d’août, interdisant complètement l’avortement sauf pour sauver la vie de la mère.

Approche civile

Le projet de loi adopté jeudi tente de combiner deux approches : l’interdiction totale de l’avortement et le recours à une application civile. La Cour suprême des États-Unis et la Cour suprême du Texas ont toutes deux refusé de bloquer la loi texane parce qu’elle repose sur une application civile plutôt que sur l’État.

Le projet de loi de l’Oklahoma permettrait d’engager des poursuites civiles contre toute personne qui pratique ou provoque un avortement, ainsi que contre toute personne qui, en connaissance de cause, « aide ou encourage » une femme à se faire avorter. Cela inclut ceux qui contribuent à leur financement, ce qui pourrait impliquer des personnes dans tout le pays qui ont fait des dons à des organisations caritatives qui aident les femmes dans les États restrictifs à se faire avorter ailleurs.

Les personnes qui obtiendraient gain de cause se verraient accorder des indemnités d’au moins 10 000 $, ainsi que des dommages et intérêts compensatoires, notamment pour « détresse émotionnelle ».

Le projet de loi exempte les femmes qui se font avorter de poursuites judiciaires, une ligne rouge que les législateurs n’ont pas voulu franchir. Il ne s’applique pas aux avortements nécessaires pour « sauver la vie de l’enfant à naître » ou la vie de la mère « en cas d’urgence médicale ». Il autorise également l’avortement si la grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste, pour autant que ce crime ait été signalé aux forces de l’ordre.

PHOTO AMANDA ANDRADE-RHOADES, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté samedi dernier aux États-Unis pour défendre le droit à l’avortement, menacé par la Cour suprême, qui semble prête à revenir en arrière, 50 ans après sa décision historique de le protéger.

Il définit un enfant à naître comme « un fœtus ou un embryon humain à n’importe quel stade de la gestation, de la fécondation à la naissance ». Les groupes antiavortement, qui considèrent l’avortement comme un meurtre, ont tenté en vain, depuis la décision Roe, de faire passer une législation fédérale ou étatique définissant la vie comme commençant à la fécondation. Les partisans du droit à l’avortement ont fait valoir que cela interdirait effectivement les méthodes contraceptives qui empêchent l’implantation, comme le dispositif intra-utérin, mais le projet de loi de l’Oklahoma précise qu’il ne s’applique pas à la contraception.

Interrogé à Fox News Sunday sur la manière dont il aiderait les femmes qui ont mené à bien leur grossesse malgré des difficultés financières ou autres qui rendraient difficile l’éducation d’un enfant, Kevin Stitt a reproché à la « gauche démocrate socialiste » de tenter d’avorter les enfants pauvres.

« Nous croyons que Dieu a un plan particulier pour chaque vie et chaque enfant, et nous voulons que tout le monde ait les mêmes possibilités en Oklahoma, et avorter un enfant n’est pas la bonne réponse », a-t-il déclaré.

Lisez l’article original du New York Times (en anglais)