(New York) Andrew Cuomo soutient que ses gestes ont été mal interprétés, ses paroles mal comprises. Il plaide que c’était culturel : il fait des câlins, il embrasse, il dit « Ciao, bella » — il est comme ça. Il estime aussi que c’est une affaire de génération : parfois, il verse dans le « chérie », parfois il raconte des blagues déplacées.

Mais de toutes les réponses du gouverneur de l’État de New York aux conclusions de l’enquête selon lesquelles il aurait harcelé sexuellement 11 femmes, celle qui a le plus choqué de nombreuses femmes — en particulier les victimes d’agressions sexuelles — a été son utilisation de l’agression sexuelle d’un membre de sa famille pour expliquer son propre comportement avec une de ses accusatrices.

Les allégations que les enquêteurs disent avoir corroborées allaient de commentaires inappropriés jusqu’à des baisers forcés et des attouchements non sollicités.

Dans une déclaration enregistrée mardi, M. Cuomo nie avoir touché quelqu’un de manière inappropriée, mais il s’excuse auprès de deux accusatrices, dont l’ancienne membre de son personnel politique Charlotte Bennett. Il soutient qu’il avait à l’époque interrogé Mme Bennett sur sa vie amoureuse dans une tentative, mal interprétée, de l’aider à faire face au traumatisme d’une agression sexuelle passée. Il a parlé de quelqu’un de sa famille, à peu près du même âge qu’elle, qui avait été agressée sexuellement au secondaire.

« Nous ne serons pas émues par les tentatives du gouverneur Cuomo d’utiliser le récit de victimes, y compris le récit de celles qu’il a harcelées, comme bouclier pour sa propre inconduite et ses abus de pouvoir, alors qu’il affirme que le harcèlement était un “malentendu” », écrivent dans une lettre ouverte le Centre national pour le droit des femmes et plusieurs organismes de défense des survivantes, qui exigent la démission ou la destitution du gouverneur démocrate.

Tarana Burke, victime et militante qui a trouvé son nom au mouvement #metoo, a écrit dans un courriel à l’Associated Press que « les agresseurs, quelles que soient leurs histoires personnelles, ne doivent pas se mettre au cœur du récit des cas d’agression : ce sont les récits des victimes qui doivent être mis de l’avant ».

« Il y a 11 femmes, dont les histoires ont été corroborées, qui ont été harcelées par le gouverneur. L’histoire de sa famille ne l’exonère pas et il ne peut pas utiliser le traumatisme de quelqu’un d’autre comme bouclier », estime Mme Burke.

Pour Emily Martin, vice-présidente au Centre national pour le droit des femmes, M. Cuomo tente de s’ériger en « héros pour les survivantes d’agressions sexuelles, une décision particulièrement inquiétante compte tenu de tout ce qu’a découvert le rapport » d’enquête.

Interrogée par l’AP immédiatement après la déclaration du gouverneur, Mme Bennett elle-même a qualifié les excuses de son ancien patron d’« insignifiantes ». Elle estime que si M. Cuomo était vraiment « désolé, il démissionnerait ».

Sur les ondes d’ABC, mercredi, elle a déclaré que le gouverneur Cuomo « insinue que les survivantes de traumatismes et d’agressions sexuelles ne peuvent pas faire la différence entre le mentorat ou le leadership, et le harcèlement sexuel proprement dit ».

« Ce qui est non seulement insultant pour moi, mais pour chaque survivante qui l’ont entendu hier. »