(NEW YORK) À moins qu’il ne soit condamné et destitué par le Sénat, Donald Trump « abusera encore de son pouvoir », a averti vendredi Adam Schiff, procureur en chef au procès en destitution du 45e président des États-Unis, lors de la troisième et dernière journée de l’argumentaire présenté par les démocrates.

Le représentant de Californie a affirmé que les prochains abus de Donald Trump ne menaceraient pas seulement la sécurité nationale des États-Unis, mais également les droits des citoyens américains, y compris ceux des 100 sénateurs auxquels il s’adressait.

« Pensez-vous un instant qu’il ne demanderait pas une enquête sur vous s’il avait l’impression que c’était dans son intérêt ? Pensez-vous un instant qu’il ne le ferait pas ? Et si dans votre for intérieur, vous pensez qu’il le ferait, vous ne pouvez pas laisser un homme pareil dans sa fonction », a déclaré le procureur démocrate.

« Il est ce qu’il est, a-t-il ajouté. Cela ne changera pas, pas plus que le danger associé à sa personne. »  

Chaque élément de preuve confirme cette évidence : le président des États-Unis abusera encore de son pouvoir, il continuera à solliciter l’interférence étrangère pour assurer de façon malhonnête sa réélection.

Adam Schiff, procureur en chef au procès en destitution de Donald Trump

C’était la dernière journée où les procureurs démocrates pouvaient monopoliser l’attention des sénateurs pour les convaincre de destituer Donald Trump pour son rôle dans l’affaire ukrainienne ou de voter pour la présentation de nouveaux documents ou la comparution de témoins.

PHOTO ALEX BRANDON, ASSOCIATED PRESS

Donald Trump, président des États-Unis

Les avocats du président entreprendront sa défense ce samedi. Après leur argumentaire, les sénateurs pourront ensuite poser des questions aux deux parties pendant 16 heures. Le vote sur les documents et les témoins suivra un débat d’environ quatre heures sur le sujet.

« Je vous en implore, donnez à l’Amérique un procès équitable, a déclaré Adam Schiff à la fin de la soirée. Elle en vaut la peine. »

« Il est un dictateur »

Les démocrates ont consacré la majeure partie de la journée de vendredi à justifier le deuxième chef d’accusation retenu contre Donald Trump : entrave au travail du Congrès. La procureure Zoe Lofgren a accusé le président d’avoir fait preuve de moins de transparence que Richard Nixon au cours de l’enquête de la Chambre des représentants sur l’affaire ukrainienne.

« Même le président Nixon, qui est connu pour avoir tenté de défier une injonction lui ordonnant de remettre les enregistrements de ses conversations, a laissé les membres les plus importants de son personnel témoigner devant le Congrès », a déclaré la représentante de Californie. « Non seulement Nixon a permis à son personnel de témoigner devant le Congrès, il leur a publiquement ordonné de le faire, mais sans attendre une citation à comparaître », a-t-elle ajouté en rappelant que Donald Trump avait refusé de façon systématique de collaborer à l’enquête du Congrès sur l’affaire ukrainienne.

Jerry Nadler, un autre procureur démocrate, est allé encore plus loin que sa collègue en traitant Donald Trump de « dictateur ».

Il n’a pas à respecter le Congrès. Il n’a pas à respecter les représentants du peuple. Seule sa volonté compte. Il est un dictateur. Cela ne doit pas tenir.

Jerry Nadler, représentant démocrate de New York

En soirée, Adam Schiff a fait valoir que l’avenir même du pouvoir du Congrès de lancer une procédure de destitution était en jeu à cause du comportement de Donald Trump.

« Si nous devons décider ici qu’un président des États-Unis peut simplement dire : “En vertu de l’article 2, je peux faire tout ce que je veux et je n’ai pas à traiter une branche égale du gouvernement comme si elle existait” […], ce sera une blessure éternelle pour ce pays », a-t-il dit.

À la veille du début de l’argumentaire des avocats du président, Adam Schiff a également tenté de répondre à l’avance à leurs arguments. Il est notamment revenu sur la réaction outrée de Donald Trump après qu’il avait parodié son appel téléphonique du 25 juillet dernier avec le président ukrainien lors d’une audition de la Chambre.

« J’ai découvert quelque chose de très important en me moquant du président, et c’est que cet homme qui aime se moquer des autres n’aime pas qu’on se moque de lui. Il s’avère qu’il est très susceptible. Qui l’aurait cru ? », a-t-il ironisé.

Adam Schiff a froissé certains sénateurs républicains modérés, dont Susan Collins (Maine) et Lisa Murkowski (Alaska), lorsqu’il a fait allusion à un reportage de CBS News diffusé plus tôt dans la journée. Selon ce reportage, la Maison-Blanche aurait menacé les sénateurs qui voudraient voter pour la comparution de témoins d’avoir leur « tête sur une pique ».

« Il m’a perdue quand il a dit ça », a dit Mme Murkowski aux journalistes, niant la véracité des faits énoncés dans ce reportage.

Le fantôme de John McCain

La dernière journée de l’argumentaire démocrate aura aussi été marquée par le rappel d’un sénateur républicain qui a été influent de son vivant au sein de son parti. En après-midi, Adam Schiff a appuyé un de ses propos en présentant une vidéo dans laquelle John McCain expliquait l’importance de l’Ukraine pour contrer la Russie.

« Américain, héros militaire et homme d’État […], le sénateur John McCain a reconnu la menace représentée par la Russie en Crimée. Le sénateur McCain nous a avertis qu’il s’agissait d’une partie d’échecs rappelant la guerre froide et que nous devions agir en conséquence. Bien sûr, il avait parfaitement raison », a déclaré le procureur démocrate avant d’accuser Donald Trump d’avoir fait le jeu du Kremlin en Ukraine et participé à la dissémination de la propagande russe sur l’élection présidentielle de 2016.

Le rappel de John McCain a semblé n’avoir aucun effet sur Lindsey Graham, un de ses anciens alliés. Pendant une pause du procès, le sénateur républicain de Caroline du Sud a réclamé l’ouverture d’une enquête sur Joe et Hunter Biden. Le fils de l’ancien vice-président a siégé au conseil de la société ukrainienne Burisma pendant que son père exerçait des pressions pour obtenir le limogeage de l’ancien procureur général d’Ukraine Viktor Shokin.

« Personne n’a fait une enquête sur les Biden semblable à l’enquête de Mueller, et je pense qu’il le faudrait », a déclaré Lindsey Graham.

Les avocats de Donald Trump devraient consacrer une partie importante de leur argumentaire à attaquer les Biden. Ils réserveront cependant l’essentiel de cette offensive pour la journée de lundi. Dans un tweet publié vendredi matin, le président a rappelé que la journée de samedi était la « vallée de la mort » en matière de cotes d’écoute.