(Washington) Les États-Unis ont émis vendredi un mandat pour saisir un pétrolier iranien arraisonné puis relâché par Gibraltar, une décision susceptible de raviver les tensions déjà fortes entre Washington et Téhéran.  

Arraisonné le 4 juillet, le Grace 1 était soupçonné par les autorités de Gibraltar de transporter 2,1 millions de barils de pétrole iranien jusqu’en Syrie – frappée par un embargo de l’Union européenne –, ce que l’Iran a démenti à plusieurs reprises.

Le gouvernement de Gibraltar a dit jeudi avoir reçu la promesse écrite de Téhéran de ne pas envoyer en Syrie ces barils, et la Cour suprême de ce petit territoire britannique situé à l’extrême sud de l’Espagne a levé l’immobilisation du navire.

De son côté, le ministre américain de la Justice a émis vendredi un mandat pour saisir ce pétrolier, l’accusant dans un communiqué de servir à un trafic « illicite » vers la Syrie, orchestré par le corps des Gardiens de la révolution islamique, un groupe placé par Washington sur sa liste noire des « organisations terroristes étrangères ».     

Le porte-parole de la diplomatie iranienne, Abbas Moussavi, a affirmé vendredi que son pays n’avait donné à Gibraltar « aucune garantie concernant le fait que le Grace 1 n’irait pas en Syrie ».  

« La destination du pétrolier n’était pas la Syrie […] et même si c’était le cas, cela n’est l’affaire de personne », a-t-il déclaré, cité par un site de la chaîne de télévision d’État, Irib.

« Notre pétrolier illégalement saisi a été relâché. Cette victoire, obtenue sans leur donner de concessions, est le résultat d’une diplomatie puissante et d’une volonté forte de se battre pour les droits de la nation », a pour sa part tweeté le porte-parole du gouvernement, Ali Rabiei.

Changement de nom

Peu après ces déclarations, le porte-parole du gouvernement de Gibraltar a « confirmé que la République islamique d’Iran s’était engagée » à ne pas envoyer en Syrie les barils de pétrole.

De son côté, le vice-directeur des Ports iraniens et de l’Organisation maritime, Jalil Eslami, a annoncé vendredi que le navire allait partir en Méditerranée sous pavillon iranien, et non plus panaméen.

« Conformément à la demande de son propriétaire, le Grace 1 partira en mer Méditerranée après avoir changé de pavillon pour celui de la République islamique d’Iran et avoir été renommé Adrian Darya pour le voyage », a indiqué M. Eslami, dont les propos ont été retransmis par la télévision iranienne.

« Le navire était d’origine russe et […] transportait deux millions de barils de pétrole iranien », a-t-il ajouté, sans préciser la destination finale du pétrolier.

Des préparatifs sont en cours pour permettre au navire de lever l’ancre, mais il « est peu probable » qu’il puisse le faire avant dimanche, a indiqué une source proche du dossier au quotidien Gibraltar Chronicle. « Six marins, dont un commandant, arriveront dimanche » pour embarquer, a ajouté la même source.

La saisie du pétrolier par Gibraltar et la marine britannique a provoqué une importante crise diplomatique entre Téhéran et Londres, ainsi que des mesures de représailles de l’Iran, qui a arraisonné depuis trois autres pétroliers, dont un battant pavillon britannique le 19 juillet.

Tensions

L’arraisonnement du navire est également intervenu sur fond de fortes tensions entre Téhéran et les États-Unis – alliés de la Grande-Bretagne – après des sabotages et attaques de navires dans le Golfe et la destruction d’un drone américain par Téhéran.

La volonté américaine de saisir le navire iranien devrait ouvrir un nouveau front.

Les États-Unis avaient jusqu’ici demandé de prolonger l’immobilisation du pétrolier. Mais le président de la Cour suprême de Gibraltar, Anthony Dudley, avait affirmé ne pas avoir reçu par écrit cette demande.  

La « tentative de piraterie » américaine a échoué, s’était réjoui sur Twitter le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif.

M. Zarif avait fustigé « le niveau de mépris qu’a l’administration (du président américain Donald) Trump pour la loi ». Les États-Unis, avait-il ajouté, avaient « tenté d’abuser du système judiciaire et de voler les biens (iraniens) en haute mer ».

Si le capitaine et les trois officiers du Grace 1 ont été libérés, ils risquent désormais d’être interdits de visa aux États-Unis, a menacé le département d’État américain dans un communiqué.