L'animateur Alex Jones, qui propage depuis des années aux États-Unis d'ubuesques théories du complot, se retrouve sous forte pression des tribunaux.

Plusieurs personnes disant avoir été harcelées par les auditeurs du créateur du site Infowars en raison des allégations véhiculées en ondes ont entrepris des poursuites contre lui pour obtenir une compensation. Et la facture s'annonce salée.

«Des poursuites en diffamation de ce type peuvent facilement coûter des dizaines de millions de dollars en dommages», relève Tim Johnson.

Cet analyste de Media Matters, qui suit depuis plusieurs années les interventions d'Alex Jones, note que les procédures intentées contre lui «progressent bien» malgré les efforts du principal intéressé pour les faire dérailler.

Vendredi, un tribunal de la Virginie a accepté qu'aille de l'avant une poursuite intentée par un employé du département d'État américain contre l'animateur d'Infowars et d'autres sites relayant des théories du complot.

L'employé en question, Brennan Gilmore, était présent à Charlottesville en août 2017 lorsque des milliers de manifestants liés à l'extrême droite ont protesté contre le retrait prévu d'une statue d'un militaire sécessionniste.

Il a filmé le moment où un des extrémistes fonçait en voiture dans une foule d'opposants, tuant une femme et blessant plus d'une trentaine de personnes. La vidéo est rapidement devenue virale, et M. Gillmore a multiplié les entrevues.

Jones, avec l'aide de deux supposés «journalistes» d'Infowars, a affirmé à plusieurs reprises dans les jours qui ont suivi que le témoin était un agent de l'État qui avait orchestré la violence pour servir les intérêts du gouvernement.

Dans la poursuite, Brennan Gillmore affirme qu'il a reçu ensuite un «déluge» de messages menaçants qui lui ont fait craindre pour sa sécurité personnelle et celle des membres de sa famille. 

Ses comptes ont été la cible de tentatives de piratage et l'adresse de ses parents a été diffusée en ligne. Une enveloppe contenant une substance chimique non identifiée lui a été envoyée.

Dans un communiqué diffusé la semaine dernière, M. Gillmore a indiqué qu'il était nécessaire de tenir Alex Jones et ses émules responsables des «mensonges» qu'ils véhiculent pour éviter toute «répétition de ce dangereux pattern de diffamation et d'intimidation».

Un «artiste» plus qu'un «journaliste»

Des parents d'enfants tués lors de la fusillade de Sandy Hook, au Connecticut, en 2012, ont aussi entrepris dans les dernières années des poursuites contre Alex Jones qui progressent devant les tribunaux.

L'animateur a laissé entendre récemment dans le cadre d'une procédure intentée au Texas, où son entreprise est établie, qu'il avait souffert par le passé d'une forme de «psychose» lui faisant croire que tous les évènements graves étaient des «mises en scène».

Les avocats d'Alex Jones ont aussi allégué en cour par le passé, dans le cadre d'un différend avec son ex-femme, qu'il «joue un personnage» et doit être considéré comme un «artiste» plus qu'un «journaliste».

Tim Johnson, de Media Matters, note que l'animateur multiplie les stratagèmes devant les tribunaux pour tenter de se soustraire à toute responsabilité légale.

Tout en se montrant contrit, il continue parallèlement, note le recherchiste, à véhiculer des propos potentiellement diffamatoires, dont certains contre des personnes qui le poursuivent.

Il a notamment nié il y a quelques jours que la mort récente du père d'un enfant tué à Sandy Hook soit imputable à un suicide, comme le disent les autorités. L'animateur a suggéré que l'affaire était «suspecte» et pourrait avoir eu pour objet de détourner l'attention médiatique des conclusions de l'enquête du FBI sur le président américain, Donald Trump, et la Russie.

«Alex Jones est intentionnellement provocateur. C'est ce qu'attendent de lui ses auditeurs. Il fait tout pour les convaincre qu'ils sont engagés dans la lutte de leur vie contre les "mondialistes" et les incite à acheter des produits naturels sur son site pour le soutenir», relève M. Johnson.

Un collaborateur de Jones se détache d'Infowars

Paul Joseph Watson, proche collaborateur d'Alex Jones qui véhicule depuis des années des théories du complot sur Infowars et ailleurs, a récemment indiqué en ondes qu'il entendait voler de ses propres ailes. Selon certains analystes, l'initiative pourrait découler de la volonté des organisateurs du site de se garder une porte de sortie si des condamnations coûteuses forçaient une interruption de ses activités.

Tim Johnson, de Media Matters, note qu'Alex Jones et ses acolytes multiplient déjà les comptes sur les réseaux sociaux sous différents noms pour pouvoir contourner les interdits. Facebook, qui bloque l'animateur sur son réseau social, lui permet de diffuser ses théories par l'entremise d'Instagram, une autre division de l'entreprise particulièrement prisée des jeunes.

«Les deux sites devraient avoir les mêmes lignes directrices. Ça n'a aucun sens», souligne M. Johnson.