Impossible de passer à côté : la procédure de destitution dont Donald Trump fait l’objet est à la fois le plus récent et le plus important événement politique de 2019 aux États-Unis. Mais en raison du rythme accéléré et étourdissant des réseaux sociaux et des actions présidentielles, il est facile d’oublier ce qui s’est passé il y a deux ou trois mois dans la vie publique de l’occupant de la Maison-Blanche. Voici donc, pour rafraîchir la mémoire, une revue mensuelle (et arbitraire) de l’année Trump.

Janvier

PHOTO MANUEL BALCE CENETA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’ancien secrétaire à la Défense Jim Mattis

Dès le jour de l’An, la démission du secrétaire à la Défense Jim Mattis entre en vigueur. Le général devait rester en poste jusqu’au 28 février, mais Donald Trump a précipité son départ. Il n’avait pas digéré sa lettre de démission lui reprochant d’abandonner les alliés des États-Unis, dont les Kurdes en Syrie. Le lendemain, c’est au tour de John Kelly, directeur de cabinet de la Maison-Blanche, de partir. Son conseil à son patron concernant son successeur : « N’embauchez pas un béni-oui-oui. […] Car si vous le faites, je crois que vous serez mis en accusation. »

Février

Frustré par le Congrès, Donald Trump déclare une urgence nationale le 15 février afin d’obtenir des fonds pour construire son mur à la frontière avec le Mexique. L’opposition du Congrès (ou plus précisément de la Chambre des représentants à majorité démocrate) avait provoqué, du 22 décembre 2018 au 25 janvier 2019, une paralysie partielle du gouvernement. Près d’un an plus tard, la construction du mur avance à peine. La situation tient en partie à la décision d’un juge fédéral du Texas de bloquer les fonds militaires destinés à la construction du mur. Autre facteur : la résistance des propriétaires terriens.

Mars

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Le procureur spécial Robert Mueller, chargé de l’enquête russe

Le 24 mars, le procureur général des États-Unis William Barr transmet au Congrès une lettre de quatre pages résumant les conclusions du rapport de Robert Mueller, chargé de l’enquête russe. Il y affirme que le procureur spécial n’a pas prouvé de connivence entre l’équipe de campagne de Donald Trump et la Russie et qu’il n’est pas parvenu à une conclusion quant à savoir si le président a fait entrave à la justice. Le lendemain, Robert Mueller se plaindra à William Barr de cette lettre, déplorant son manque de contexte et la couverture médiatique qui l’a suivie.

Avril

PHOTO TOM BRENNER, ARCHIVES REUTERS

Le conseiller de la Maison-Blanche Stephen Miller

Le 10 avril, CNN annonce que Donald Trump a confié quelques jours plus tôt à l’un de ses conseillers préférés, Stephen Miller, l’entière responsabilité du dossier de l’immigration et de la frontière sud. Cette décision survient dans la foulée d’une « purge » qui a notamment coûté son poste à Kirstjen Nielsen, secrétaire à la Sécurité intérieure, qui a contesté la légalité ou la faisabilité de certaines propositions du président. Elle se traduira notamment par un durcissement des politiques américaines face aux demandeurs d’asile à la frontière sud. La plupart d’entre eux doivent désormais attendre au Mexique le traitement de leur dossier.

Mai

Le 6 mai, le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin refuse de remettre les six dernières déclarations de revenus de Donald Trump à une commission de la Chambre des représentants qui les réclame. Quatre jours plus tard, celle-ci engage une bataille judiciaire en lançant une injonction. Ce bras de fer reflète le refus systématique de l’administration Trump de collaborer aux enquêtes de la Chambre à majorité démocrate. Il connaîtra son dénouement à la fin de juin 2020 lorsque la Cour suprême décidera si le président peut empêcher deux commissions de la Chambre et un procureur de New York d’obtenir ses déclarations de revenus.

Juin

Après avoir donné rendez-vous à Kim Jong-un dans la zone démilitarisée qui sépare les deux Corées, Donald Trump devient le premier président américain à franchir la frontière de la Corée du Nord, le 30 juin. C’est la première rencontre entre les deux dirigeants après leur sommet raté d’Hanoï, en février 2019. « Cela se fera un jour ou l’autre », dit le président américain en faisant allusion à une visite éventuelle de Kim à Washington. Cependant, à la mi-décembre, ce dernier promet un « cadeau de Noël » si les États-Unis ne changent par leur approche concernant les sanctions contre son pays.

Juillet

PHOTO J. SCOTT APPLEWHITE, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Alexandria Ocasio-Cortez, élue démocrate ciblée par un tweet du président Trump

« Ces tweets n’étaient PAS racistes », tweete Donald Trump le 16 juillet. Deux jours plus tôt, il a sommé sur Twitter quatre représentantes démocrates de couleur « qui viennent originalement de pays dont les gouvernements sont des catastrophes totales » à y retourner plutôt que de critiquer les États-Unis. Trois d’entre elles sont Américaines de naissance. Le 27 juillet, le président est de nouveau accusé de racisme après avoir décrit Baltimore comme un endroit infesté de rats. Ces controverses éclipsent son appel téléphonique du 25 juillet avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui contribuera à sa mise en accusation par la Chambre.

Août

PHOTO CALLAGHAN O’HARE, ARCHIVES REUTERS

Une tuerie a eu lieu dans un Walmart d’El Paso, au Texas, en août dernier.

Le 7 août, accompagné de sa femme, Donald Trump rend visite à des victimes de deux fusillades ayant eu lieu à 13 heures d’intervalle. Le directeur des médias sociaux de la Maison-Blanche assure sur Twitter que son patron a été accueilli comme une « rock star » dans l’hôpital de Dayton, en Ohio, où il s’est arrêté. À El Paso, au Texas, le président lève le pouce et sourit en prenant la pose au côté d’un bébé dont les parents sont morts dans le Walmart où s’est produite la tuerie. Les tueries n’engendrent aucun changement aux lois sur les armes à feu.

Septembre

Le 30 septembre, dernier jour de l’année budgétaire 2019, le déficit du gouvernement américain atteint 984,9 milliards de dollars, soit 26 % de plus que celui de 2018. Selon les prévisions, la prochaine année budgétaire se soldera par un déficit supérieur à 1000 milliards de dollars. Ces données contredisent la promesse électorale de Donald Trump d’éliminer les déficits futurs grâce à des coupes dans les dépenses et des revenus dopés par une forte croissance économique. Les militants et élus républicains semblent fermer les yeux sur ces déficits qui les avaient fait monter aux barricades sous Barack Obama.

Octobre

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Abou Bakr al-Baghdadi

Il est 9 h, le dimanche 27 octobre, lorsque Donald Trump annonce son succès le plus spectaculaire sur la scène internationale : la mort du chef du groupe État islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, lors d’une opération militaire américaine en Syrie. Le président peut ainsi bomber le torse, quelques jours seulement après avoir été critiqué pour sa décision de retirer les forces américaines du Kurdistan syrien. Et il ne s’en prive pas, faisant suivre sa déclaration de 10 minutes par un point de presse de 40 minutes au cours duquel il cherchera notamment à minimiser la mort d’Oussama ben Laden par rapport à celle d’al-Baghdadi.

Novembre

Parmi les témoins de l’enquête en destitution visant Donald Trump, Gordon Sondland est le seul à avoir parlé au président. Et l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union européenne est catégorique, lors de son audition du 19 novembre : il y avait une contrepartie à une visite du président ukrainien à la Maison-Blanche, à savoir l’ouverture d’enquêtes susceptibles d’aider Donald Trump. Cette contrepartie s’appliquait-elle aussi à une aide militaire de 391 millions de dollars à l’Ukraine ? L’ambassadeur en est persuadé, mais il admet n’avoir jamais entendu le président en parler. Cet aveu servira de bouée de sauvetage à Donald Trump.

Décembre

PHOTO EDGARD GARRIDO, ARCHIVES REUTERS

Par 385 voix contre 41, la Chambre des représentants a approuvé l’accord de libre-échange Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM).

Moins de 24 heures après avoir mis en accusation Donald Trump pour abus de pouvoir et entrave au Congrès, la Chambre des représentants lui offre une de ses plus grandes victoires, le 20 décembre. Par 385 voix contre 41, elle approuve l’accord de libre-échange Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), issu d’une renégociation promise durant la campagne de 2016. Le Sénat devrait l’approuver à son tour au début de 2020. Le 23 décembre, une étude de la Réserve fédérale conclut par ailleurs que les tarifs douaniers du président américain se sont révélés contre-productifs, entraînant des pertes d’emplois et une hausse des prix.

Bonus

PHOTO JONATHAN ERNST, ARCHIVES REUTERS

Donald Trump exhibe le trajet « corrigé » de l’ouragan Dorian, en septembre dernier, après avoir été contredit à ce sujet par le bureau du National Weather Service à Birmingham, en Alabama.

Sur une note, disons, plus humoristique, l’année 2019 a également été celle où Donald Trump a « corrigé » à l’aide de son Sharpie préféré le trajet d’un ouragan (Dorian) après avoir été contredit à ce sujet par le bureau du National Weather Service à Birmingham, en Alabama. Ça s’est passé en septembre. Un mois plus tôt, le président avait créé un froid entre son pays et le Danemark après avoir confirmé son intention d’acheter le Groenland à ce pays. Il devait annuler une rencontre prévue avec la première ministre danoise Mette Frederiksen. Cette dernière l’avait vexé en accueillant sa proposition comme une blague de mauvais goût.