(Washington) Miné par des querelles intestines et des finances en berne, le puissant lobby des armes NRA a connu de meilleurs jours, mais la réaction de Donald Trump aux fusillades du week-end montre que son message reste dominant à Washington.

La National Rifle Association, un petit groupe de chasseurs fondé en 1871, a opéré un virage politique dans les années 70 et s’est imposée comme l’un des plus redoutables groupes de pression aux États-Unis, bloquant toute tentative de réglementer le marché des armes à feu.

Depuis des mois, elle traverse toutefois une crise inédite avec des démissions en série, une baisse de ses recettes et la montée en puissance de ses détracteurs.

Lors des élections de mi-mandat, en novembre, elle a dépensé nettement moins que pour d’autres scrutins et des parlementaires favorables à un meilleur encadrement des ventes d’armes l’ont emporté face à ses candidats de prédilection.

Ses opposants en ont conclu que l’emprise du lobby sur Washington commençait à se desserrer.

La réaction des républicains aux massacres d’El Paso et Dayton, qui ont fait 31 morts, semble montrer qu’ils sont allés un peu vite.

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Donald Trump a participé à la convention annuelle de la NRA, à Dallas, en mai 2018.

Lundi, le président Donald Trump a, une nouvelle fois, réduit les drames à un problème de «jeux vidéo» et de «maladie mentale», reprenant l’argumentaire de la NRA pour qui «ce ne sont pas les armes mais les hommes qui tuent».  

Le lobby a immédiatement félicité le locataire de la Maison-Blanche pour ce discours, jugeant qu’il répondait «aux causes profondes» des fusillades qui endeuillent régulièrement l’Amérique.

Ailleurs dans les rangs républicains, plusieurs élus ont également imputé la violence aux «écrans» (le représentant Steve Scalise) ou même aux «partisans des drag queens» (l’élue de l’Ohio Candice Keller), sans jamais évoquer les fusils utilisés par les tueurs.

Enquête judiciaire

Pour le sénateur Bernie Sanders, un des favoris de la primaire démocrate, le président était «face à un choix», mais il «a décidé de rester du côté de la NRA, dont les lobbyistes et les contributions financières contrôlent le parti républicain».

Depuis des années, la NRA investit massivement dans les campagnes électorales. Elle a ainsi apporté 30 millions de dollars à Donald Trump lors de la présidentielle de 2016. Elle décerne aussi des «notes» aux candidats; un mauvais score peut coûter cher électoralement.

Mais ses finances se portent moins bien. De son propre aveu, les contributions de ses donateurs ont baissé de 26 millions, soit 2% entre 2016 et 2017.

En conséquence son déficit s’est creusé, passant de 14,8 millions en 2016 à 31,8 millions l’année suivante, bien qu’il n’y ait pas eu d’élections majeures en 2017, selon un audit obtenu par l’organisation OpenSecrets qui enquête sur l’argent en politique.  

AP

Avant de diriger la NRA, Oliver North était notamment impliqué dans le scandale Iran-Contra.

En interne, les dépenses de certains dirigeants ont fait grincer des dents, tout comme son positionnement très à droite. Ces querelles ont poussé plusieurs responsables à la démission, dont son président Oliver North, et entraîné l’ouverture d’une enquête judiciaire sur ses finances.

La NRA a également rompu les ponts avec l’entreprise chargée de ses efficaces campagnes de communication et a dû arrêter ses programmes télévisés en direct, NRATV.

Immobilisme

«La NRA n’a jamais été aussi faible», a déclaré l'élu républicain Peter King au journal The Hill. «Ils sont affaiblis et nous tous, y compris le président, devrions en profiter», a-t-il ajouté.

Dans la même veine, le sénateur républicain Lindsey Graham, très proche de Donald Trump, a annoncé lundi qu’il allait introduire un projet de loi pour autoriser la confiscation des armes aux personnes soupçonnées de poser un danger pour les autres ou pour elles-mêmes.

Dans leur camp, l’immobilisme reste cependant la norme.

AP

Mitch McConnell

La Chambre des représentants, aux mains des démocrates, a adopté en février un projet de loi pour étendre les contrôle des antécédents des acheteurs à toutes les ventes d’armes. Le texte est bloqué au Sénat, dont le leader républicain Mitch McConnell, noté A+ par la NRA, refuse de l’inscrire à l’ordre du jour.

Selon la chaîne CNBC qui cite des documents confidentiels, la NRA, qui revendique toujours cinq millions de membres, a encore dépensé 1,6 million de dollars cette année pour inciter les membres du Congrès à rejeter ce texte.