Sur le tarmac à sa descente d'Air Force One, avant de retrouver la foule qui l'attend, Donald Trump promet d'adopter « un ton très différent », après la fusillade qui a ensanglanté une synagogue de Pittsburgh et pétrifié l'Amérique.

Puis, dans la même phrase, il justifie son ton habituel résolument provocateur, souvent outrancier, par moment agressif, en disant que c'est le seul moyen, assure-t-il, de « se battre contre la malhonnêteté des médias ».

La scène, samedi au coucher du soleil sur l'aéroport de Murphysboro, dans l'Illinois, résume la valse hésitation de l'impétueux président au cours d'une semaine qui a secoué le pays, entre inquiétants colis piégés adressés à des figures du parti démocrate et attaque antisémite meurtrière.

Posture présidentielle puis coups de canif, appels à l'unité puis outrances, Trump-téléprompteur puis Trump-Twitter.

Depuis la Maison-Blanche mercredi, après l'interception d'une impressionnante série de colis suspects, il appelle au rassemblement et livre un message clair : « les actes et les menaces de violence politique n'ont pas leur place aux États-Unis ».

D'un gazouillis, deux jours plus tard, il brise cette image de président au-dessus de la mêlée, déplorant ouvertement que cette affaire nuise à la « dynamique » des candidats de son parti et semblant mettre en doute la réalité de la menace.

À Indianapolis samedi, devant de jeunes étudiants en agriculture, et alors que les premiers renseignements macabres de la tuerie de Pittsburgh commencent à émerger, il prend de nouveau de la hauteur.

« Le poison chargé de haine de l'antisémitisme doit être condamné et combattu partout et à chaque instant », lance-t-il, la mine grave, visiblement touché, avec des accents présidentiels.

Puis, en un éclair, rebascule en mode campagne.

Quelques minutes après avoir annoncé qu'il avait décidé de ne pas annuler sa réunion du soir en dépit de la fusillade, il plaisante sur ses cheveux, qui ont failli le pousser à modifier son programme de la journée.

« J'étais sous l'aile d'Air Force One ce matin, je faisais une conférence de presse [...]. Le vent, la pluie, j'étais trempé, raconte-t-il. J'ai dit : je devrais peut-être annuler cette étape, parce que c'est une mauvaise journée pour mes cheveux », ajoute-t-il dans les rires.

Un peu plus tard, il reprend les attaques ad hominem contre ses adversaires potentiels de 2020.

Il s'en prend à l'une de ses cibles préférées, la sénatrice Elizabeth Warren, qui revendique de lointaines origines amérindiennes. « J'ai plus de sang indien qu'elle ! Et je n'en ai pas... », ironise-t-il.

« On ne peut résister [à ce genre de piques], hein ? » lance-t-il, hilare. La foule exulte.

« Ironie »

Dans la soirée, il annonce qu'il se rendra à Pittsburgh, épousant une longue tradition présidentielle qui veut que le locataire de la Maison-Blanche aille à la rencontre des proches des victimes de fusillades, comme Barack Obama à Newtown (décembre 2012) ou Orlando (juin 2016).

Puis, devant une marée de panneaux rouges (« Finir le mur »), bleus (« Rendre à l'Amérique sa sécurité ») et roses (« Les femmes pour Trump »), il retrouve ses accents préférés de campagne, avec un ton cependant un peu plus modéré.

Vêtu de son emblématique cravate rouge, le 45e président des États-Unis qualifie ses détracteurs « de gens ridicules et très stupides ».

Il fait huer Nancy Pelosi, la chef de file de l'opposition à la chambre des Représentants.

David Axelrod, ancien conseiller de Barack Obama, citait il y a quelques jours les mots de Trump dans un gazouillis. « Dans des moments comme ceux-là, nous devons nous rassembler, nous devons nous unir ».

« Absolument vrai, notait-il. Mais, l'ironie de ces mots, au milieu du flot de rhétorique incendiaire qu'il offre tous les jours, est véritablement stupéfiante ».

Comme en écho, Jonathan Greenblatt, directeur de l'Anti-defamation League, principale association de lutte contre l'antisémitisme du pays, a salué la prise de parole présidentielle après le traumatisme de Pittsburgh.

« Mais, l'important, ce n'est que seulement ce que vous dites après une tragédie, c'est l'environnement que vous créez avec votre discours », a-t-il ajouté.

Vendredi, dans les jardins de la Maison-Blanche, un journaliste a demandé au 45e président américain s'il envisageait, dans un geste symbolique, d'appeler son prédécesseur démocrate, Barack Obama, ou d'autres personnalités démocrates à qui les colis piégés étaient destinés ?

« Je pense qu'on fera l'impasse sur ce coup-là », a-t-il répondu, visiblement agacé par la question.