Nommé par Donald Trump à la Cour suprême des États-Unis, le juge conservateur Neil Gorsuch a commencé lundi un grand oral marathon en vue d'être confirmé par le Sénat, les démocrates le présentant d'emblée comme un danger pour les libertés et les avancées sociales.

L'homme de 49 ans va durant plusieurs jours être mis sur le gril par les élus de la colline du Capitole à Washington.

«Je m'engage à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour servir fidèlement le droit constitutionnel de cette grande nation», a promis le magistrat, en costume bleu marine. Il a remercié sa famille venue le soutenir, en particulier sa femme Louise, avec qui il a deux filles.

Son passé sera scruté à la loupe et M. Gorsuch sera poussé dans ses retranchements sur le mariage homosexuel, la discrimination positive, la détention des armes, autant de questions de société qu'il aura à trancher avec les huit autres sages de la haute cour.

L'audition fleuve se tient devant la commission des Affaires juridiques du Sénat, dont chacun des 20 membres était autorisé à faire une déclaration liminaire.

La sénatrice démocrate Dianne Feinstein, élue de Californie, s'est dite préoccupée par la menace que ferait courir le juge Gorsuch au droit à l'avortement.

Partisan de la peine de mort, celui-ci défend en effet des thèmes chers à l'Amérique conservatrice en matière de famille ou de religion.

Il soutient que la Constitution doit être interprétée conformément à son sens originel, une idée «très inquiétante» selon Mme Feinstein.

«Cela signifie que les juges et les tribunaux doivent évaluer nos droits constitutionnels comme ils étaient compris en 1789», a-t-elle souligné. Soit une époque où l'esclavage était en vigueur, où la population américaine comptait 4 millions de personnes et où le concept d'une automobile ou d'internet était impensable, a-t-elle poursuivi.

Robe noire 

Les démocrates, minoritaires au Sénat, ont promis de livrer bataille pour entraver l'intronisation du juge Gorsuch, qui a prêté serment lundi.

Les sénateurs républicains ont eux dépeint un magistrat intègre, aux idées irréprochables.

«Il n'y a pas une robe rouge pour les républicains et une robe bleue pour les démocrates. Ici nous ne remettons que des robes noires», a assuré Ben Sasse, élu du Nebraska.

Neil Gorsuch doit succéder à Antonin Scalia, magistrat conservateur décédé en février 2016. Depuis, la Cour suprême fonctionne avec seulement huit juges, dont quatre progressistes. L'arrivée de M. Gorsuch ancrera la prestigieuse institution dans le conservatisme.

De toutes les personnes nommées par M. Trump dans le cadre de la transition du pouvoir, il aura probablement la confirmation la plus difficile.

En effet, si un ministre est actif le temps d'un mandat, un juge de la Cour suprême est nommé à vie. Neil Gorsuch pourrait influencer le droit américain durant trois décennies, voire davantage. La doyenne de l'institution, Ruth Bader Ginsburg, vient de fêter ses 84 ans sans évoquer sa retraite.

Les règles de confirmation sénatoriale d'un sage de la Cour suprême sont contraignantes. Un ministre a besoin de rassembler une majorité de 51 voix sur 100, mais M. Gorsuch devra en réunir 60 si l'opposition démocrate lance une manoeuvre d'obstruction.

Les républicains n'ayant que 52 sièges au Sénat, il va falloir convaincre huit démocrates d'adouber le magistrat. 

«Option nucléaire»

Donald Trump s'est livré ces dernières semaines à des attaques féroces contre l'institution judiciaire, l'accusant d'être politisée et qualifiant de «pseudo-juge» le magistrat qui a suspendu son premier décret anti-immigration.

Des sénateurs démocrates vont exiger de Neil Gorsuch qu'il condamne clairement ces déclarations présidentielles.

Le juge devra par ailleurs justifier chacune de ses décisions passées, notamment quand il a travaillé au ministère de la Justice sous George W. Bush ou plus récemment à la cour d'appel fédérale de Denver, dans l'État du Colorado où il est né.

Il est connu pour sa politesse indéfectible, ses talents de diplomate et sa rigueur intellectuelle. Il lui faudra combiner ces trois qualités sans afficher clairement des convictions qui le forceraient à se récuser de futurs dossiers devant la Cour suprême.

À noter enfin que l'état-major républicain dispose en théorie d'une «option nucléaire» permettant d'abaisser le seuil des voix nécessaires de 60 à 50 pour confirmer un juge de la Cour suprême.

Donald Trump a clairement conseillé d'avoir recours à cette stratégie, jugée très sensible car elle ouvrirait la possibilité aux démocrates d'agir pareillement s'ils reprenaient la majorité. 

ARCHIVES AFP

Antonin Scalia en 2005.