Les républicains du Congrès finiront peut-être par regretter l'audition-marathon à laquelle ils ont soumis Hillary Clinton, hier.

Onze heures durant, ils ont tenté de piéger l'ancienne secrétaire d'État en lui posant des questions parfois tendancieuses et souvent agressives sur la double attaque du 11 septembre 2012 contre le complexe diplomatique américain à Benghazi, deuxième ville de Libye.

À la fin, cependant, non seulement Hillary Clinton avait survécu à l'interrogatoire, mais elle avait marqué des points contre ses opposants.

«Il est vraiment dommage que quelque chose d'aussi sérieux que ce qui est arrivé à Benghazi soit utilisé à des fins partisanes», a-t-elle déclaré après avoir témoigné pendant des heures devant la commission spéciale créée en mai 2014 par la majorité républicaine de la Chambre des représentants, dans le but d'enquêter sur les attaques qui ont coûté la vie à quatre Américains, dont l'ambassadeur Christopher Stevens.

Sidney Blumenthal

Jusque-là, les républicains n'avaient pas réussi à fournir de nouveaux éléments d'information sur cette tragédie et encore moins à faire trébucher l'ex-chef de la diplomatie américaine. Ils avaient cependant soulevé diverses questions sur Sidney Blumenthal, un ami d'Hillary Clinton dont la plupart des Américains ne connaissaient pas l'existence avant l'audition d'hier.

«Aidez-nous à comprendre comment Sidney Blumenthal avait ce type d'accès auprès de vous, mais pas l'ambassadeur», a déclaré Trey Gowdy, président de la commission spéciale.

Le représentant républicain de Caroline-du-Sud voulait savoir pourquoi Hillary Clinton avait reçu plusieurs courriels de son ami sur la Libye, un sujet sur lequel il n'avait pas d'expertise reconnue, mais aucun de l'ambassadeur Stevens, qui avait adressé en vain au département d'État des demandes concernant le renforcement du personnel de sécurité à Benghazi.

D'autres membres républicains de la Commission sont également revenus à plusieurs reprises sur les courriels de Sidney Blumenthal pour remettre en cause le jugement et les priorités de la démocrate.

«Sid Blumenthal n'était pas mon conseiller, officiel ou officieux», a déclaré Hillary Clinton au début de l'audition. «À l'occasion, j'ai transféré ce qu'il m'avait envoyé pour l'ajouter au mélange [d'information].»

Comme elle l'avait fait lors de son audition précédente devant le Congrès sur les attaques de Benghazi, en janvier 2013, Hillary Clinton a rappelé que l'ambassadeur Stevens n'avait jamais abordé avec elle des questions touchant la sécurité des installations et des représentants américains à Benghazi.

Sang-froid

Tout au long de l'audition, Hillary Clinton a conservé son sang-froid et répondu sans broncher aux questions qui lui étaient adressées. Les membres démocrates de la commission ont cependant élevé la voix à quelques reprises, accusant la majorité républicaine d'avoir transformé leur enquête en «expédition de pêche» destinée à plomber la campagne présidentielle de la candidate favorite du Parti démocrate.

Ils ont aussi reproché aux républicains leur «obsession» à l'égard des courriels de Sidney Blumenthal.

«Si vous pensez que vous avez assez entendu parler de Sidney Blumenthal, attendez la prochaine ronde [de questions]», a déclaré le représentant Gowdy avant d'annoncer une pause pour le lunch.

Les parlementaires démocrates ne sont pas les seuls à voir dans les travaux de la commission spéciale sur les attaques de Benghazi une opération partisane. Au cours des dernières semaines, deux représentants républicains, dont le numéro deux du parti à la Chambre, ont affirmé que la commission avait pour but de nuire à Hillary Clinton sur le plan politique. Selon un sondage CNN/ORC publié hier, trois Américains sur quatre sont du même avis.

Des risques

L'audition comportait néanmoins des risques pour Hillary Clinton. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre son calme ou de trébucher sur une question inattendue. À en juger par la réaction des médias, elle sort gagnante de son interrogatoire.

«Elle avait l'air présidentielle. Elle maîtrisait la situation, comme elle l'avait fait lors du premier débat démocrate», a déclaré le journaliste Ed Henry de Fox News, une chaîne qui ne pardonne rien à Hillary Clinton.

Sur CNN, Carl Bernstein, figure légendaire du journaliste américain, a comparé le traitement réservé à Hillary Clinton par les républicains de la commission à une époque sombre de l'histoire américaine.

«Il faut remonter à Joe McCarthy pour trouver une enquête du Congrès aussi abusive», a-t-il déclaré en faisant allusion au sénateur qui avait orchestré une chasse aux communistes durant les années 50 aux États-Unis.