La Maison-Blanche a tenté d'apaiser mardi un «incident» diplomatique avec la Pologne après que le président Barack Obama eut évoqué dans un discours les «camps polonais de la mort», au lieu d'un camp d'extermination nazi.

Ce faux pas linguistique a assombri une cérémonie tenue en hommage posthume à Jan Karski, un ancien officier polonais qui a fourni les premiers témoignages sur la politique d'extermination des Juifs par les nazis.

«Avant un voyage au travers des lignes ennemies, des résistants lui avaient raconté que les Juifs avaient été tués en masse, ils l'ont introduit en cachette dans le ghetto de Varsovie et dans un camp polonais de la mort pour qu'il voit lui-même ce qu'il en était», a déclaré M. Obama.

Le gouvernement polonais observe d'une manière très sourcilleuse les descriptions faites par la presse internationale des anciens camps de concentration dits «polonais», car il dit que ce terme -même s'il est utilisé simplement comme une indication géographique- peut donner l'impression que la Pologne porte une responsabilité dans le génocide perpétré par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Tommy Vietor, un porte-parle de M. Obama pour le Conseil national de sécurité, a déclaré que le président s'était «mal exprimé».

«Il se référait aux camps de la mort nazis en Pologne», a-t-il expliqué.

«Nous regrettons cette erreur d'expression qui ne devrait pas porter ombrage à notre intention claire d'honorer M. Karski et ces courageux citoyens qui se sont tenus du côté de la dignité humaine face à la tyrannie», a-t-il ajouté.

Jan Karski, qui est mort à Washington à l'âge de 86 ans en 2000, était devenu professeur d'histoire à l'Université de Georgetown.

Plus que des regrets

Ce malentendu sur les camps d'extermination installés par l'Allemagne nazie en Pologne occupée avivement choqué Varsovie.

«Les mots du président américain Barack Obama prononcés hier (mardi) ont blessé tous les Polonais», a déclaré mercredi le premier ministre Donald Tusk.

«Je suis convaincu que nos amis américains peuvent se permettre aujourd'hui une réaction plus forte qu'une simple mise au point et des regrets du porte-parole de la Maison-Blanche, une réaction susceptible d'éliminer une fois pour toutes de telles erreurs», a souligné M. Tusk dans une déclaration à la presse. Il a rappelé que la Pologne fut l'un des pays les plus touchés par la guerre.

Entre 1939 et 1945, les Allemands ont tué près de six millions de citoyens polonais, dont trois millions de juifs. L'Allemagne nazie a installé plusieurs camps de concentration et d'extermination sur le sol polonais, dont Auschwitz-Birkenau (sud) devenu le symbole de l'Holocauste.

Moins diplomatique que le premier ministre, le chef de l'opposition conservatrice Jaroslaw Kaczynski a exigé des excuses directes de la part du président Obama.

«Dommage que l'ignorance et l'incompétence aient assombri une cérémonie solennelle», a déploré pour sa part sur Twitter le chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski.

À la suite de cette action, selon le ministère, plusieurs médias américains, dont The Wall Street Journal, New York Times, Yahoo et Associated Press, ont inscrit dans leur manuel de règles journalistiques l'interdiction d'évoquer «les camps polonais», recommandant à la place «les camps allemands nazis en Pologne occupée».

«Si on parle de "camps polonais", qui alors tuaient les soldats américains, des mains de qui l'oncle de Barack Obama libérait Buchenwald?», a insisté M. Tusk.

«Parler de "camps polonais", c'est comme s'il n'y avait pas de nazis, pas de responsabilité allemande, comme s'il n'y avait pas de Hitler», a-t-il ajouté, en demandant aux États-Unis de soutenir les efforts polonais pour rétablir la vérité historique.

L'ancien chef du syndicat polonais Solidarité Lech Walesa a estimé pour sa part que le faux pas du président Obama était une «occasion en or pour finir une fois pour toutes» avec cette contre-vérité.