Un procureur américain mène une enquête à charge contre la CIA pour élucider notamment le meurtre en novembre 2003 d'un détenu d'Abou Ghraïb, en Irak, dont le corps avait été dans un premier temps congelé pour cacher la mort, révèle le magazine Time lundi.

Nommé par le ministre américain de la Justice pour enquêter sur les abus commis par la Centrale américaine du renseignement (CIA) dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme» de George W. Bush, le procureur John Durham «a commencé à convoquer des témoins» devant une chambre d'accusation -aux États unis, un jury populaire se réunissant en secret-, affirme l'hebdomadaire.

Interrogé par l'AFP, Tom Carson, le porte-parole de M. Durham, a refusé de confirmer cette information, assurant que «l'enquête est en cours».

Selon une copie de la convocation qu'il s'est procurée, Time affirme que ce jury «enquête sur de possibles violations des lois pénales fédérales impliquant crimes de guerre, torture et autres crimes».

La mort de Manadel al-Jamadi dans la prison américaine d'Abou Ghraïb a été officiellement classée comme un meurtre mais aucune enquête n'a depuis abouti, rappelle le magazine qui avait révélé l'affaire en 2005. Le corps de cet homme avait été plongé dans la glace pour reculer le moment d'annoncer sa mort, ce qui lui avait valu le surnom posthume de «Iceman» («Homme de glace»).

Selon Time qui cite des sources proches du dossier, M. Durham demande leurs témoignages à des militaires travaillant à la prison à l'époque mais cherche aussi «qui a pris la photo du corps congelé de M. al-Jamadi, et quand». De même source, poursuit le magazine, il s'intéresse directement à un agent de la CIA  qui a interrogé la victime juste avant sa mort.

Des traces laissées sur un drap dans lequel le corps avait été enroulé seraient également examinées.

Nommé en août 2009 pour enquêter sur les violences contre des détenus commises par des agents de la CIA, M. Durham doit évaluer si des accusations peuvent être retenues contre eux pour avoir outrepassé leurs ordres dans la conduite d'interrogatoires après le 11-Septembre.

La publication en 2009 d'un rapport de l'inspecteur général de la CIA datant de 2004, avait donné aux Américains la vision la plus détaillée à ce jour du programme d'interrogatoires secrets de la CIA sous George W. Bush.

Menaces verbales contre la famille du suspect, pastiches d'exécutions sommaires, étranglement jusqu'à évanouissement, corps frottés à la brosse dure, simulation de noyade: ils ont aussi appris qu'en haut-lieu «des agents (étaient) au courant de méthodes d'interrogatoires hors ou au-delà des limites fixées».

Disposant d'une copie non censurée, le ministre de la Justice Eric Holder avait estimé quelques jours après la parution de ce rapport que «les informations que j'ai en ma possession justifient l'ouverture d'une enquête préliminaire pour savoir si les lois fédérales ont été violées dans le cadre des interrogatoires de certains détenus hors des États-Unis».