Le retrait américain des villes irakiennes à la fin du mois représentera un test pour les Etats-Unis qui veulent désormais renforcer leurs liens non-militaires avec Bagdad, tout en limitant les divisions interconfessionnelles et l'influence de l'Iran.

Les analystes s'accordent à dire que le retrait américain des villes sera moins spectaculaire qu'il ne parait, car des soldats américains pourront continuer à intervenir dans les zones urbaines si l'armée irakienne le leur demande.

Mais ils reconnaissent que l'opération, qui intervient dans un contexte de regain de violence anti-chiite, servira de test avant un retrait total des troupes américaine d'Irak.

«C'est un test très important», estime Noah Feldman, professeur à l'université de Harvard. «C'est non seulement un test pour les services de sécurité irakiens, c'est aussi un test pour savoir si la situation politique s'est stabilisée».

«L'équilibre des pouvoirs tout entier va être testé», a ajouté cet expert qui a participé à l'élaboration de la constitution irakienne.

Dans un rapport au général Ray Odierno, chef des troupes américaines dans le pays, un autre expert, Anthony Cordesman, souligne que les Etats-Unis n'ont «toujours pas +gagné+ en Irak et restent confrontés à des risques graves», citant notamment les divisions entre Arabes et Kurdes et entre musulmans chiites et sunnites.

«La question est de savoir ce que les Etats-Unis peuvent faire (...) pour prévenir ces conflits internes», ajoute M. Cordesman, spécialiste de l'Irak au CSIS (Center for strategic and international studies).

L'expert suggère d'augmenter l'aide économique américaine à ce pays, reconnaissant que ce ne sera pas une mesure populaire aux Etats-Unis, mais note que s'abstenir risquerait de créer un vide que l'Iran s'empresserait de remplir.

«Notre objectif devrait être de créer un Irak qui soit à la fois totalement indépendant et sûr. Cela signifie créer une forme de partenariat stratégique capable de contenir l'Iran sans le provoquer», indique-t-il.

Le Pentagone reconnaît que le risque est réel, mais assure qu'il peut être contenu.

«Il y a évidemment cette inquiétude ici et dans la région que notre retrait crée un vide qui soit rempli par l'Iran», admet un haut responsable du ministère américain de la Défense.

 «Mais il y a deux remèdes à cela», ajoute ce responsable ayant requis l'anonymat. «Le premier est le nationalisme irakien. Le second devrait être les voisins de l'Irak qui ne veulent pas non plus voir l'Iran remplir ce vide».

Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a appelé mardi les pays du Golfe à apporter leur soutien au gouvernement irakien pour contrer les efforts de «déstabilisation» de l'Iran.

«Si l'Irak était adopté par ses voisins du Golfe, cela aiderait à contenir les ambitions de l'Iran», a-t-il déclaré cette semaine à un groupe de ministres de la défense du Golfe.

L'ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad, Christopher Hill, s'est engagé à mener une diplomatie active avec un Irak souverain, et à respecter pleinement l'accord de sécurité approuvé en novembre 2008 entre l'Irak et les Etats-Unis, qui prévoit que les troupes américaines se retirent au plus tard le 30 juin des villes irakiennes, première étape d'un désengagement total prévu fin 2011.

«C'est un accord qui va gouverner nos relations pour ce que nous espérons des décennies et qui porte sur nos échanges éducatifs, nos relations économiques, nos échanges politiques divers», a-t-il ajouté.

 «Mais faire en sorte que l'Irak ait de meilleures relations avec ses voisins est un élément clé de ce que nous essayons de faire dans ce pays», a-t-il ajouté.