(Astana) Le Kazakhstan a voté dimanche lors de législatives anticipées qui pourraient voir des candidats indépendants être élus députés, signe d’une timide ouverture démocratique malgré les réflexes autoritaires persistants du plus grand pays d’Asie centrale.

Selon la Commission électorale, 54,19 % des quelque 12 millions d’électeurs ont voté et les résultats sont attendus lundi dans la matinée.

Un nouveau système a été instauré pour ce scrutin, avec 69 députés — sur les 98 que compte la Majilis, chambre basse du Parlement — élus à la proportionnelle.

D’après des sondages diffusés sur la télé étatique, le parti au pouvoir Amanat est en tête avec 53 % des voix et cinq à six partis devraient entrer au Parlement, contre trois actuellement. Les 29 députés élus au scrutin uninominal n’étaient pas connus dimanche soir.

Car autre nouveauté, les candidats non affiliés à des partis pouvaient se présenter, une première depuis 2004. Le seuil pour entrer à la Majilis a été abaissé à 5 % et un quota de 30 % pour les femmes, les jeunes et les personnes souffrant de handicap a été introduit.

Ces changements ont quelque peu ravivé le paysage politique ankylosé de cette ex-république soviétique frontalière de la Russie et de la Chine, encore marquée par les émeutes meurtrières de janvier 2022.

Sous la précédente législature, seuls trois partis étaient représentés. Tous soutenaient le président Kassym-Jomart Tokaïev, facilement réélu avec plus de 80 % des voix en novembre lors d’un scrutin sans réelle concurrence.

« Le système électoral a changé et donne l’impression du choix. Mais en réalité, le président et son administration gardent entre leurs mains le décompte des voix », tempère le politologue Dimach Aljanov.

« Garder le pouvoir »

« Dans un pays autoritaire, les élections sont faites pour garder le pouvoir, pas pour le remplacer », relève M. Aljanov.

À la fermeture des bureaux de vote, des observateurs se sont plaints de ne pouvoir participer au dépouillement et des vidéos de bourrages d’urnes ont été publiées sur les réseaux sociaux. L’AFP n’était pas en mesure de vérifier ces informations de manière indépendante.

Ces élections, concernant aussi les Parlements locaux, interviennent à la suite de la réforme constitutionnelle de 2022 impulsée par M. Tokaïev, au pouvoir depuis 2019.

Le dirigeant âgé de 69 ans affiche sa volonté de « poursuivre la modernisation » entamée l’an dernier de ce pays riche en ressources naturelles.

Car les fortes inégalités et la corruption n’ont pas disparu et l’inflation, supérieure à 20 %, ronge le pouvoir d’achat.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRÉSIDENCE DU KAZAKHSTAN, VIA ASSOCIATED PRESS

Le président sortant Kassym-Jomart Tokaïev

M. Tokaïev a aussi rompu avec son mentor, Noursoultan Nazarbaïev, après les émeutes de janvier 2022.

Ces manifestations contre la vie chère avaient embrasé le pays et leur répression a fait officiellement 238 morts.

Après une campagne présidentielle atone en novembre, Almaty, l’une des deux principales villes du pays, a semblé timidement s’éveiller pour ces élections qui coïncident avec l’arrivée du printemps dans cette ville nichée au pied d’imposantes montagnes.

« Comme des candidats indépendants sont admis, je pense que le système électoral est en train de changer pour le mieux », estime Irina Rechetnik, infirmière.

Pour Ernest Serikov, professeur à la retraite de 81 ans et soutien du président, ces élections sont « expérimentales ».

Abondance

Sur les vitres des restaurants, les barrières de chantier ou les lampadaires, les affiches électorales ont fleuri de façon anarchique.

Et les slogans souvent abscons, comme « l’ordre se trouve là où est la vérité », « avec moi, il n’y a pas de bazar » ou encore « je n’abandonne pas le peuple » accompagnent des programmes peu clairs.

Au total, sept partis participent à ce scrutin, dont deux nouveaux enregistrés en peu de temps. Mais plusieurs formations d’opposition et des candidats indépendants restent interdits.

Mais cette abondance de candidats, avec qui plus est deux élections le même jour, peut en désorienter certains. De nombreux électeurs n’avaient pas fait leur choix en se rendant aux urnes.

Et pour réchauffer les indécis, de la nourriture et des boissons étaient offertes devant les bureaux de vote pour célébrer la fête musulmane de Norouz, avec de la musique en fond sonore.

Pour l’analyste politique Andreï Tchebotarev, « la diversité des partis aura un impact sur l’acceptation du résultat des élections, tant pour la population qu’au niveau international ».

Et « cela est bénéfique pour le pouvoir, car des partis loyaux [envers le président] seront présents au Parlement et Amanat, le parti présidentiel, conservera la majorité de sièges », explique-t-il à l’AFP.

Malgré cette relative ouverture, M. Tokaïev a d’ores et déjà prévenu que « les personnes semant la discorde dans le pays seront sévèrement punies ».