(Podgorica) Le président sortant du Monténégro, Milo Djukanovic, affrontera au second tour de l’élection présidentielle un jeune économiste pro-européen Jakov Milatovic, selon un sondage de sortie des urnes diffusé dimanche soir après le premier tour du scrutin.

Milo Djukanovic est crédité de 35 % des voix contre 29 % pour Jakov Milatovic, selon ce sondage réalisé par l’ONG CeMI, chargée d’observation du déroulement de l’élection.

La Commission électorale devrait publier lundi les résultats officiels préliminaires. Le second tour du scrutin aura lieu le 2 avril.

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Une publicité électorale promouvant la candidature de Jakov Milatovic à Podgorica, au Monténégro.

Cette élection se joue après des mois de blocage dans le pays riverain de l’Adriatique. Deux gouvernements ont été renversés par une motion de censure depuis les législatives de 2020, la dernière fois en août, et le cabinet en place gère les affaires courantes.

Le président sortant Milo Djukanovic a dissous le Parlement quelques jours avant le scrutin présidentiel et convoqué des élections législatives anticipées pour le 11 juin.

Le Monténégro, qui négocie son entrée dans l’Union européenne, « est entièrement paralysé sur sa voie européenne », avait déclaré vendredi le chef de l’État, en annonçant la date des législatives.

Dans ce pays de 620 000 habitants, le président a essentiellement un rôle de représentation et le premier ministre détient les principaux leviers du pouvoir.

Trois décennies au pouvoir

Milo Djukanovic, 61 ans, reste néanmoins une figure importante, lui qui dirige le Monténégro presque sans discontinuer depuis trois décennies, en tant que président ou premier ministre. Ancien proche de l’homme fort de Belgrade Slobodan Milosevic, il s’est rallié au camp occidental et a obtenu le divorce de son pays d’avec la Serbie en 2006.

Son adversaire, si le résultat du sondage devait être confirmé, a 37 ans. Jakov Milatovic occupait le poste du ministre du Développement économique dans le premier gouvernement formé après les élections de 2020. Il avait alors quitté un poste à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) pour rejoindre le cabinet.

Qualifié de populiste par certains, il est un des fondateurs en 2022 du mouvement l’Europe maintenant, formation qui semble avoir le vent en poupe.

Radovan Djedovic, retraité de 72 ans à Podgorica, voudrait le changement : « Ça n’existe nulle part au monde qu’un homme gouverne pendant plus de 30 ans. Pendant ce temps, les États-Unis ont changé leur président cinq ou six fois ».

Après avoir voté, M. Djukanovic a invité ses compatriotes à saisir l’« occasion » du scrutin pour choisir la « stabilité » et l’« objectif » d’un Monténégro au sein « de la famille des États et des peuples européens ».

« Je sais que tous (les candidats) ont la même ambition, celle de vaincre le président actuel […] et je suis certain de ma supériorité », a-t-il ajouté.

« Politiques du passé »

Mais son étoile a pâli lors des législatives de 2020. Sa formation, le Parti démocratique des socialistes (DPS), y a été battue par une coalition soutenue par la puissante Église orthodoxe serbe, principale religion dans le pays.

Aucun camp ne parvient pourtant à bâtir depuis une majorité stable et le pays va de crise en crise.

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Un homme dépose son vote lors de l’élection présidentielle au Monténégro, le dimanche 19 mars.

Milatovic a appelé les électeurs à en finir avec « les politiques du passé ». « Je suis entré dans la course présidentielle pour vaincre Milo Djukanovic, et non seulement M. Djukanovic, mais tout ce qu’il représente au Monténégro […] Il symbolise le passé, les politiques qui divisaient ce pays, les politiques qui appauvrissaient ce pays », a-t-il déclaré après avoir voté.

Sous l’égide du président sortant, le Monténégro a adhéré à l’OTAN en 2017, négocie son adhésion à l’UE depuis 2012 et est sorti de la sphère d’influence russe.

Mais le règne de Milo Djukanovic et du DPS a été entaché par les accusations de corruption généralisée et de connexions avec le crime organisé.

De nombreux habitants sont sans illusions. « Je suis déçue par le pouvoir qui avait promis des réformes et une entrée rapide dans l’UE », a déclaré à l’AFP Anja, une avocate de 32 ans qui a requis l’anonymat.