(Lahore) La police pakistanaise a renoncé mercredi à arrêter à son domicile de Lahore l’ancien premier ministre Imran Khan, qui a crié au complot politique, après de violents affrontements avec des centaines de ses partisans durant la nuit.

Des correspondants de l’AFP et des témoins qui se trouvaient près du domicile de M. Khan, situé dans la banlieue cossue de Zaman Park à Lahore, ont indiqué que les forces de sécurité qui tentaient depuis plusieurs heures d’arrêter l’ex-premier ministre avaient battu en retraite, après avoir abandonné une série de barrages routiers et de points de contrôle.

Une ordonnance de la Haute Cour de Lahore, consultée par l’AFP, a enjoint mercredi à la police de « mettre fin à l’opération immédiatement et de se retirer » en attendant le résultat d’une audience à Islamabad concernant le mandat d’arrêt contre M. Khan.

« La police et les gardes envoyés pour nuire à Imran Khan ont été repoussés par le peuple », a posté de son côté le parti de M. Khan, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI, Mouvement du Pakistan pour la justice) sur son compte Twitter.  

Dans la nuit de mardi à mercredi, des affrontements ont éclaté entre les partisans de M. Khan venus empêcher son arrestation et les policiers qui ont effectué des tirs de gaz lacrymogène et esquivé les pierres lancées par une foule en colère.  

Le politicien, ancienne vedette de cricket, a été renversé en avril 2022 par une motion de censure et est confronté depuis à une multitude de procédures judiciaires et visé par un mandat d’arrêt. Il reste néanmoins très populaire et espère revenir au pouvoir lors d’élections législatives prévues d’ici octobre.

« La raison (de cette procédure) n’est pas que j’ai enfreint une loi. Ils me veulent en prison pour que je ne puisse pas participer aux élections », a déclaré à l’AFP Imran Khan, en fin de journée.

Convoqué au tribunal

« Cette arrestation par la force n’a rien à voir avec l’État de droit », a dénoncé l’ex-premier ministre, déplorant la « loi de la jungle ».

C’est la seconde fois ce mois-ci que des policiers ont été dépêchés à son domicile pour exécuter un mandat d’arrêt, en vain.  

L’ex-premier ministre s’est soustrait à plusieurs assignations à comparaître au tribunal, invoquant des raisons de sécurité. Ses avocats assurent qu’il a bénéficié d’une libération sous caution.

« Le dirigeant du PTI n’a pas de remise en liberté sous caution pour cette affaire particulière », a souligné à l’AFP Muhammad Taqi Jawad, porte-parole de la police d’Islamabad.  

L’équipe juridique de M. Khan a été invitée à s’adresser à une juridiction inférieure pour demander la suspension du mandat d’arrêt de leur client. Elle doit aussi s’engager à ce que l’ancien premier ministre se présente en personne lors d’une audience qui aura lieu samedi.

Imran Khan, 70 ans, a été convoqué au tribunal pour répondre aux accusations selon lesquelles il n’aurait pas déclaré l’ensemble des cadeaux diplomatiques reçus sous son mandat et aurait gagné de l’argent en revendant certains d’entre eux.  

Dans la matinée, des vidéos circulant sur les réseaux sociaux - en grande partie diffusées par le PTI - ont montré plusieurs partisans ensanglantés et d’autres personnes luttant contre les gaz lacrymogènes.  Un responsable du PTI a tweeté qu’il y avait « un besoin urgent » de kits de premiers secours.

« Mise en scène »

« La façon dont la police s’en prend à notre peuple est sans précédent », a condamné dans la foulée M. Khan. « Il est clair que la revendication d’une “arrestation” n’était qu’une mise en scène, car l’intention réelle est d’enlever et d’assassiner », a-t-il affirmé.

M. Khan se considère « au-dessus de la loi », lui a répondu M. Sharif en s’adressant à des journalistes. « Il défie tous les tribunaux du pays. C’est de la provocation pure et simple », a-t-il déploré.

Depuis son éviction, M. Khan fait pression sur le gouvernement de Shehbaz Sharif, son successeur, en multipliant les grands rassemblements. Il a également dissous les deux assemblées provinciales contrôlées par son parti pour tenter d’obtenir des élections anticipées auxquelles le gouvernement se refuse.

En novembre, l’ancienne vedette de cricket a été blessée par balle à la jambe lors d’un rassemblement politique. Une tentative d’assassinat qu’il a attribué à Shehbaz Sharif.

Ces évènements se déroulent dans un contexte tendu : le pays, qui compte plus de 220 millions d’habitants, est en proie à de graves difficultés économiques avec une inflation galopante, des réserves de change insuffisantes et un enlisement des négociations avec le Fonds monétaire international.  

La situation sécuritaire se détériore également avec une série d’attaques meurtrières visant la police, liées aux talibans pakistanais.

« L’impasse de Lahore illustre combien l’état du pays s’est dégradé », a déclaré Tauseef Ahmed Khan, analyste politique et militant des droits humains.

« D’une part, il s’agit d’un échec de la police et des forces de l’ordre. D’autre part, il s’agit d’une nouvelle tendance dans la politique sud-asiatique : un dirigeant politique défie l’arrestation en utilisant ses collaborateurs et ses partisans », a-t-il ajouté.