(Paris) Viols en Israël, en Ukraine comme sur d’autres terrains de guerre : des voix toujours plus nombreuses s’élèvent pour dénoncer les violences sexuelles commises contre les femmes dans des pays en guerre, un crime ancien, proscrit par le droit international, mais rarement sanctionné.

La police israélienne a annoncé le 14 novembre enquêter sur des violences sexuelles, dont des viols et des mutilations, qui auraient été commises par des hommes du Hamas lors de l’attaque sanglante du 7 octobre.

Concernant l’Ukraine, des enquêteurs de l’ONU ont affirmé en mars que Moscou était à l’origine d’un large éventail de crimes de guerre depuis l’invasion russe, notamment des viols et autres violences sexuelles. Des violences constituant « une stratégie militaire » et « une tactique délibérée pour déshumaniser les victimes », avait affirmé en octobre 2022 la représentante spéciale de l’ONU Pramila Patten.

Vendredi, veille de la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, un colloque est organisé en Pologne par des associations pour évoquer le soutien à apporter aux Ukrainiennes victimes de ces exactions attribuées aux forces russes.

« S’attaquer aux femmes en les violant déstabilise tout le tissu social, cela détruit une communauté », explique à l’AFP Richard Matis, président de Gynécologie sans frontières. L’association forme des professionnels de santé à l’étranger à prendre en charge les femmes, notamment en cas de violences sexuelles.

« Les enfants qui naissent de ces viols représentent aussi un problème de déséquilibre pour la société concernée », ajoute ce gynécologue.

« Prendre soin des victimes »

Les femmes sont les principales victimes de violences sexuelles en temps de guerre, sur différents continents et à diverses époques, notamment lors des conquêtes coloniales du XIXe siècle et pendant les deux guerres mondiales.

« Le viol en temps de guerre est interdit depuis des siècles, mais les armées ne font pas forcément respecter cette interdiction », décrypte auprès de l’AFP Fabrice Virgili, historien et directeur de recherches au CNRS. En faisant remarquer que cette interdiction a été instaurée dans l’objectif de maintenir la discipline parmi les soldats et non de protéger les femmes.

« Depuis le génocide au Rwanda (1994) et la guerre en ex-Yougoslavie (1992-1995), on porte une attention particulière aux faits de violences sexuelles à chaque conflit : il y a l’idée qu’il est nécessaire de punir les auteurs et de prendre soin des victimes », explique celui qui a co-dirigé l’ouvrage « Viols en temps de guerre ».

Cette idée a notamment été portée par le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, pour son action en faveur des femmes victimes de violences sexuelles en République démocratique du Congo.

Concernant les suites pénales possibles, « le droit est une réponse essentielle, mais n’est pas encore à la hauteur », estime auprès de l’AFP la juriste Céline Bardet.

« Problème de preuves »

Le viol est défini comme un « crime de guerre » dans le statut de Rome de 1998 ayant institué la Cour pénale internationale (CPI).

Toutefois, « on peine encore à inclure les violences sexuelles dans les actes d’accusation, souvent pour un problème de preuves, car il n’y a que des témoignages », ajoute cette spécialiste.  

Avec son association « We are not weapons of war » (« Nous ne sommes pas des armes de guerre »), elle a créé un outil en ligne pour collecter en plusieurs langues des témoignages de victimes. Une « web-application de signalement et alerte » permettant de stocker photos et vidéos sur « un serveur ultra-sécurisé », pour « documenter la réalité du terrain ».

L’association « travaille au déploiement » de cet outil en Israël pour collecter des contributions, notamment de témoins ou de médecins légistes, liés au 7 octobre.

En France, plus de 20 000 personnes, dont la maire de Paris Anne Hidalgo ou la chanteuse et actrice Charlotte Gainsbourg, ont signé une pétition demandant que l’attaque du Hamas soit reconnue comme un « féminicide de masse ». « De nombreux civils sont morts, mais les femmes n’ont pas été tuées de la même façon que les autres », souligne le texte initié par l’association « Paroles de femmes ».

Des témoins cités par l’AFP ont évoqué notamment des « pelvis brisés » et des tirs dans les parties génitales.  

« On les a attaquées en tant que femmes, sur leurs organes génitaux, c’est grave », affirme auprès de l’AFP Maya, une militante ne souhaitant pas donner son nom. Elle participera samedi à une manifestation à Paris, avec un groupe qui abordera des pancartes et des slogans « pour honorer la mémoire » des Israéliennes, « victimes de féminicides ».