(Washington) Le ballon-espion chinois abattu par l’armée américaine au-dessus de l’océan Atlantique était capable de recueillir certaines formes de communications électroniques et faisait partie d’une flotte de ballons de surveillance dirigée par l’armée chinoise qui a survolé plus de 40 pays sur les cinq continents, a déclaré jeudi le département d’État.

Alors que le ballon était toujours en l’air, des avions de surveillance américains U-2 en ont pris des images pour déterminer ses capacités, a indiqué le Département dans un communiqué, ajoutant que l’équipement du ballon « était manifestement destiné à la surveillance des services de renseignement et ne correspondait pas à l’équipement embarqué des ballons météorologiques ».

L’agence a déclaré que le ballon possédait plusieurs antennes dans un réseau qui était « probablement capable de capter et de géolocaliser des communications ». Les panneaux solaires de l’appareil étaient suffisamment grands pour produire l’énergie nécessaire au fonctionnement de « plusieurs capteurs actifs de collecte de renseignements », a précisé le Département.

L’agence a également déclaré que le gouvernement américain était « convaincu » que l’entreprise qui a fabriqué le ballon avait des liens commerciaux directs avec l’Armée populaire de libération (APL), l’armée chinoise, citant un portail officiel d’approvisionnement de l’armée. Le Département n’a pas nommé l’entreprise.

« Les États-Unis vont également envisager de prendre des mesures contre les entités de la RPC liées à l’APL qui ont soutenu l’incursion du ballon dans l’espace aérien américain », a déclaré le département d’État, en référence à la République populaire de Chine.

Nous allons également envisager des efforts plus larges pour exposer et traiter les activités de surveillance plus vastes de la RPC qui constituent une menace pour notre sécurité nationale, ainsi que pour nos alliés et partenaires.

Extrait du communiqué du département d'État américain

Le Département a déclaré que la société fait de la publicité pour des ballons sur son site web et a publié des vidéos de vols antérieurs qui ont apparemment survolé l’espace aérien des États-Unis et celui d’autres nations. Les vidéos montrent des ballons dont les trajectoires de vol sont semblables à celles des ballons de surveillance dont les États-Unis ont discuté cette semaine, a précisé l’agence.

Collecte de signaux

Les responsables américains ne savent pas exactement quels types de communications le satellite essayait de recueillir et n’ont pas déterminé quels sites le ballon visait, disent les responsables américains.

Les responsables disent qu’ils ont pris des mesures sur les sites de lancement nucléaire et d’autres bases militaires pour essayer de s’assurer qu’il n’y avait pas d’informations utiles que le ballon pouvait recueillir. Le gouvernement américain a également pris des mesures pour protéger les communications officielles sur la trajectoire du ballon. Si les responsables se disent convaincus que le ballon n’a pas obtenu de données sensibles sur les sites nucléaires américains, ils ne sont pas certains de ce qu’il a pu recueillir.

Il serait relativement facile pour des dispositifs de collecte de signaux d’obtenir des données sur les téléphones mobiles utilisés autour d’une base militaire, selon des responsables actuels et anciens.

Des plongeurs de la marine américaine ont retiré des débris du ballon abattu des eaux peu profondes de la côte de Caroline du Sud. Des enquêteurs du Pentagone, du FBI et d’autres agences de renseignement examinent les pièces pour voir si l’armée chinoise ou des entreprises ayant des liens avec elle utilisent des technologies provenant d’entreprises américaines ou occidentales, ont déclaré des responsables américains.

PHOTO FOURNIE PAR LA MARINE AMÉRICAINE, ARCHIVES REUTERS

Des enquêteurs du Pentagone, du FBI et d’autres agences de renseignement examinent les pièces récupérées dimanche dernier, certaines par des plongeurs de la marine américaine dans les eaux peu profondes de la côte Est.

La découverte d’une telle technologie pourrait inciter l’administration Biden à prendre des mesures plus sévères pour s’assurer que les entreprises n’exportent pas en Chine des technologies susceptibles d’être utilisées par l’armée et les agences de sécurité du pays.

Analyses et rétro-ingénierie

Les responsables américains ont déclaré qu’ils s’attendaient à ce que les pièces de ballon récupérées leur donnent un aperçu de la manière dont les ingénieurs chinois assemblent les technologies de surveillance.

« Nous les analysons pour en savoir plus sur le programme de surveillance », a déclaré mercredi le secrétaire d’État Antony Blinken. « Nous allons coupler cela avec ce que nous apprenons du ballon – ce que nous apprenons du ballon lui-même – avec ce que nous avons glané sur la base de notre observation minutieuse du système lorsqu’il était dans notre espace aérien, comme le président a demandé à son équipe de le faire. »

Les responsables du FBI ont déclaré jeudi qu’ils examinaient actuellement le ballon lui-même, le câblage et de petites quantités de matériel électronique trouvé flottant sur l’eau, tous provenant de débris qui ont été remis au FBI lundi.

Les enquêteurs pensent que la majeure partie de l’électronique est dispersée au fond de l’océan, ont déclaré les responsables du FBI. Le ballon mesurait 200 pieds de haut et avait une charge utile de la taille d’un avion de transport régional, avaient déclaré auparavant les autorités américaines.

Certains responsables ont déclaré qu’il était prioritaire de savoir exactement quels types de renseignements de communication le ballon pouvait recueillir. Ils ont affirmé qu’ils n’avaient trouvé aucune preuve suggérant que le ballon pouvait transporter des armes ou ce qu’un responsable a appelé « du matériel énergétique ou offensif ».

Wendy Sherman, secrétaire d’État adjointe, a déclaré jeudi à une commission du Sénat que l’épisode du ballon-espion « a mis en évidence ce que nous savons depuis longtemps : la RPC est devenue plus répressive à l’intérieur et plus agressive à l’extérieur ».

Selon des responsables américains, l’administration Biden a déclassifié les informations qu’elle a recueillies sur le ballon qui a traversé les États-Unis la semaine dernière et sur les opérations plus vastes de surveillance par ballon de l’armée chinoise afin d’informer le public américain et les pays alliés et partenaires des activités d’espionnage de la Chine. L’administration américaine espère que ces renseignements permettront de contrecarrer le récit que propage la Chine sur le ballon et de faire pression sur son gouvernement pour qu’il réduise certaines de ses activités de surveillance aérienne, indiquent les responsables américains.

Démenti chinois sur fond de crise diplomatique

Le ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré le 3 février, après l’annonce par le Pentagone de la découverte du ballon-espion au-dessus du Montana, qu’il s’agissait d’un appareil civil chinois utilisé principalement pour des recherches météorologiques et qu’il avait malheureusement dévié de sa trajectoire. Il a également déclaré qu’un deuxième ballon, que le Pentagone a affirmé être une machine de surveillance dérivant à l’époque au-dessus de l’Amérique latine, était principalement utilisé pour des recherches météorologiques.

La présence du ballon aux États-Unis la semaine dernière a déclenché une crise diplomatique et incité M. Blinken à annuler son voyage du week-end à Pékin, où il devait rencontrer le président chinois Xi Jinping. M. Blinken a déclaré que le ballon avait violé la souveraineté des États-Unis et constituait « un acte irresponsable » de la part de la Chine.

PHOTO CHAD FISH, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le ballon suspect a été abattu samedi le 4 février par l’armée américaine.

Après qu’un avion de chasse américain a abattu le ballon samedi, le gouvernement chinois a déclaré que les États-Unis avaient réagi de manière excessive et violé la convention internationale, et que la Chine avait « le droit de répondre ».

Le gouvernement chinois a également déclaré que le ballon appartenait à la Chine et ne devait pas être conservé par les États-Unis.

Le gouvernement américain a déclaré avoir découvert au moins cinq cas de ballons-espions chinois sur le territoire américain – trois pendant l’administration Trump et deux pendant l’administration Biden. Les ballons-espions détectés pendant l’administration Trump avaient initialement été classés comme des phénomènes aériens non identifiés, ont indiqué des responsables américains. Ce n’est qu’après 2020 que des spécialistes ont examiné attentivement les épisodes concernant les ballons dans le cadre d’un examen plus large des phénomènes aériens et déterminé qu’ils faisaient partie des initiatives de surveillance par ballon des Chinois dans le monde.

Lisez l’article original du New York Times (en anglais, abonnement requis)