Trois semaines après la disparition de 43 étudiants au Mexique, la mobilisation pour retrouver les disparus et faire la lumière sur cette histoire obscure ne s'essouffle pas.

«Vivants, vous les avez emportés, vivants, vous nous les rendrez!» Ils étaient une centaine d'étudiants, poings levés et photos de disparus à la main, à scander ce message mercredi devant le bureau du procureur général de la République (PGR), à Mexico. Un des nombreux événements organisés dans le cadre d'une grève de deux jours dans une dizaine d'universités. Un fait rare au Mexique, selon l'un des leaders étudiants de l'Université nationale autonome du Mexique, Jhonatan San Mar.

«C'est nouveau de voir autant d'universités déclarer une grève simultanément. C'est évident que cette disparition a touché une corde sensible chez les étudiants. On compte maintenant mieux s'organiser afin de frapper l'État: la répression doit cesser», estime-t-il.

Les étudiants ne sont pas les seuls à être indignés: des dizaines de milliers de Mexicains ont défilé au centre-ville de Mexico il y a dix jours pour signifier aux élus leur mécontentement et témoigner leur appui aux proches des victimes.

Depuis que des policiers ont ouvert le feu contre des étudiants le 26 septembre à Iguala, faisant 6 morts et 43 disparus, les preuves de collusion entre les membres du cartel Guerreros unidos (Guerriers unis) et le maire d'Iguala s'accumulent. Un mandat d'arrêt pèse contre José Luis Abarca, qui demeure introuvable.

Le PGR affirme que 50 policiers et membres du crime organisé ont été arrêtés. Le chef des guerreros unidos a été retrouvé mort au début de la semaine dernière. Selon les autorités, il aurait préféré se suicider plutôt que de se rendre lors d'une opération policière.

La grogne persiste

Ces arrestations n'ont pas permis de calmer la grogne des Mexicains, note le politicologue Jorge Chabat: «Que des policiers payés par les contribuables aient tué des étudiants, c'est un peu la goutte qui a fait déborder le vase de l'opinion publique. Les citoyens en ont contre les policiers mexicains, contre la corruption et l'impunité.»

À Iguala, ville du Guerrero située à 200 km au sud de Mexico, des proches de victimes de la fusillade cherchent inlassablement les disparus. Si leurs recherches n'ont pas encore permis de retrouver les étudiants, elles ont révélé l'existence d'une vingtaine de fosses communes clandestines, qui s'ajoutent à six autres découvertes une semaine après la disparition des jeunes âgés de 17 à 21 ans.

Selon le procureur général Jesús Murillo Karam, les corps extirpés de ces premières fosses communes ne sont pas ceux des étudiants disparus. Les enquêteurs procèdent actuellement à des tests d'ADN sur les restes humains trouvés dans les autres fosses.

Gouvernement sous pression

La tragédie a par ailleurs ému de nombreux États et organismes internationaux. La semaine dernière, l'Union européenne et le Parlement européen ont joint leurs voix à celles des États-Unis, des Nations unies (ONU), de l'Organisation des États américains (OEA) et d'Amnistie internationale afin d'exiger une enquête transparente. Selon le politicologue Jorge Chabat, les pressions internationales risquent de s'accroître sur le gouvernement d'Enrique Peña Nieto, qui traverse une crise de légitimité.

«Je crois que le président Enrique Peña Nieto est maintenant conscient de l'ampleur de la crise. Son gouvernement est pressé de faire la lumière sur ces événements, car cette crise assombrit et continuera d'assombrir tous les bons coups du gouvernement», estime le spécialiste.