Les organisateurs de la deuxième flottille humanitaire vers Gaza continuent d'essuyer des revers. Après des allégations de sabotage et l'arrestation du capitaine du bateau américain, c'était au tour du bateau canadien hier de voguer en eaux troubles. Arraisonné par la garde côtière grecque et endommagé pendant l'opération, le Tahrir pourra-t-il se rendre à sa destination finale? Ses passagers refusent de baisser les bras.

«Ce n'est pas fini. C'est notre bateau.» Au bout du fil, Manon Massé, militante montréalaise de Québec solidaire, était toute confiance, hier. Pourtant, au même instant, les choses se corsaient pour elle et les quelque 40 passagers du Tahrir, le bateau canadien de la flottille qui tente de se rendre à Gaza, deuxième tentative du genre.

Hier, le bateau de 25 mètres a été arraisonné par la garde côtière grecque à peine 15 minutes après avoir levé l'ancre du port d'Agio Nikolaos, dans l'est de la Crète. Une douzaine d'hommes armés sont montés à bord du bateau, qu'ils ont ensuite remorqué vers la côte, ont expliqué hier les passagers joints par La Presse. Le tout s'est déroulé sans violence, a précisé David Heap, l'un des porte-parole du groupe.

La veille, ces passagers avaient décidé à l'unanimité de défier les autorités grecques, qui avaient interdit à tous les navires de mettre le cap sur la bande de Gaza à partir de leurs côtes. «Collectivement, on a pris l'initiative de larguer les amarres. Nous savions que la garde côtière était juste derrière nous. Des amis ont essayé de faire diversion, mais la garde côtière nous a vite rattrapés», a expliqué à chaud Mme Massé, jointe hier par téléphone cellulaire.

La «diversion» a pris la forme de deux kayakistes qui ont tenté de ralentir la garde côtière. Selon le photojournaliste Jim Rankin, du Toronto Star, qui se trouve à bord du Tahrir, les deux personnes - un Australien et une Canadienne - ont été arrêtées sur le fait. Une troisième personne, la propriétaire du navire, est également détenue.

Une fois arraisonné, le Tahrir n'était cependant pas au bout de ses peines. Les passagers racontent que, en arrivant au quai, la garde côtière a laissé le bateau se heurter à un mur de béton, ce qui a causé une brèche dans le réservoir à carburant, laquelle a depuis été colmatée. «Ça a frappé pas mal fort, a dit Mme Massé, mais on ne quittera pas le bateau.»

À la suite de cet incident, la garde côtière a interdit aux occupants du bateau canadien d'utiliser leur génératrice, faisant craindre pour la préservation des médicaments qui doivent être gardés au froid.

Malgré ces revers, les passagers du Tahrir espèrent toujours faire le voyage, pour lequel ils ont amassé plus de 300 000$ en dons. Mais au moment de mettre sous presse, le navire était toujours sous l'étroite surveillance de gardes armés.

Piraterie, disent les passagers

À Montréal, hier, l'un des organisateurs du groupe canadien, Ehab Lotayef, a déclaré qu'une équipe déployée en Grèce est prête à saisir la justice européenne de l'affaire afin de permettre aux bateaux d'appareiller pour Gaza. «Notre arraisonnement est un acte de piraterie internationale», a pour sa part affirmé David Heap.

Le bateau canadien n'est pas le seul à être bloqué dans un port grec. Plusieurs des 10 bateaux de la flottille avaient choisi de partir de ce pays. Le bateau américain qui a essayé de lever l'ancre ce week-end a lui aussi été arraisonné et son capitaine a été appréhendé.

Afin d'éviter ce scénario, les passagers du bateau canadien ont renvoyé leur capitaine avant de prendre la mer, hier. Lorsque les gardes-côtes ont demandé à voir le capitaine du Tahrir, tous les passagers ont levé la main. Incapables de déterminer qui était le responsable du bateau, les autorités grecques détiennent depuis l'une des organisatrices en chef de la mission, la Canadienne Sandra Ruch, selon un rapport du Toronto Star.

Briser le blocus

Le Tahrir veut atteindre les côtes de Gaza pour y livrer des denrées, mais aussi pour briser le blocus mis en place par Israël en 2006 dans la foulée de l'enlèvement du soldat israélien Gilad Shalit et de l'élection du Hamas. Israël affirme maintenir en place le blocus afin d'éviter la livraison d'armes au parti islamiste qui contrôle toujours le territoire palestinien.

L'an dernier, Israël s'est attiré les foudres d'une large partie de la communauté internationale en arraisonnant une flottille similaire. Neuf militants pro-palestiniens d'origine turque ont alors trouvé la mort aux mains des forces israéliennes.

Avec Pierre-André Normandin



À Bord du Tahrir



Une quarantaine de personnes se trouvent à bord du Tahrir, bateau canadien de la deuxième flottille humanitaire vers Gaza. Parmi elles, hier, on comptait 19 Canadiens, dont 5 Québécois. Trois autres Canadiens étaient restés au quai afin de fournir de l'aide en cas d'arraisonnement et d'arrestation des passagers. Le reste de la délégation, soit 14 personnes, est composé de citoyens danois, australiens, belges et turcs. Dans le groupe, on trouve des médecins, des professeurs d'université, des avocats et un cinéaste. Le tiers de la délégation est composé de grands-parents, selon le Toronto Star, qui a fait le décompte. Neuf journalistes, dont deux canadiens, sont aussi à bord.

Photo Toronto Star

Des militaires grecs montent à bord duTahrir, ce navire où se trouvent des militants canadiens qui cherchent à se rendre en territoire palestinien de Gaza pour défier le blocus israélien.