Les résidus d'antidépresseurs qui se retrouvent dans les cours d'eau peuvent rendre les poissons impuissants, selon une nouvelle étude de l'Université d'Ottawa. Ils pourraient même avoir des conséquences pour la santé des bébés.

«Nos résultats montrent qu'il faut sérieusement étudier l'impact de ces résidus sur la santé humaine», indique Vance Trudeau, biologiste qui est l'auteur principal de l'étude publiée dans la revue Aquatic Toxicology.

«Il n'y a jamais eu d'étude importante sur les effets sur le développement et la fertilité des résidus de produits pharmaceutiques présents dans l'eau potable. C'est particulièrement intéressant parce que l'un des effets secondaires du Prozac est justement une baisse de la libido.»

À une concentration de 450 nanogrammes de Prozac par litre d'eau, les poissons rouges de M. Trudeau étaient moitié moins susceptibles d'éjaculer en présence d'hormones femelles. C'est un niveau qu'on trouve parfois, mais rarement, dans les rivières. Dans l'eau des conduites, avant traitement, les concentrations sont de 100 à 1000 fois moins grandes, selon des études ontarienne et montréalaise.

«Les risques concernent surtout les poissons», estime pour sa part Sébastien Sauvé, biologiste à l'Université de Montréal qui a publié en 2008 l'étude sur les résidus d'antidépresseurs dans les eaux usées montréalaises. «La quantité d'antidépresseurs qu'une personne ingère en buvant deux litres d'eau par jour pendant 70 ans est équivalente à un jour de prescription d'antidépresseurs. Mais il est possible qu'il y ait des effets sur les bébés ou des interactions avec d'autres médicaments. La question mérite d'être étudiée.»

Les effets sur les populations de poissons n'ont pas encore été étudiés, déplore Chris Metcalfe, de l'Université de Trent à Waterloo, qui a publié plus tôt cette année une étude montrant que les antidépresseurs s'accumulaient «modérément» dans la chair des poissons. Est-il dangereux de manger beaucoup de poisson d'eau douce? «Non, les antidépresseurs s'accumulent beaucoup moins que d'autres substances, comme le mercure ou les BPC», dit M. Metcalfe.

Dans l'étude de M. Trudeau, dévoilée hier, le comportement sexuel des poissons rouges ne changeait pas après une ou deux semaines d'exposition aux résidus de Prozac, à une concentration de 450 nanogrammes par litre. Mais à une concentration 1000 fois plus forte, la proportion de poissons rouges n'éjaculant pas en présence d'hormones féminines augmentait à 65% après une semaine, puis à presque 100% après deux semaines.