Le Canada devra réduire de près de moitié ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 12 ans seulement s'il veut atteindre les objectifs plus élevés énoncés dimanche par le GIEC pour éviter les conséquences désastreuses du réchauffement de la planète.

Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies (GIEC) conclut qu'il y aura des changements irréversibles, et la disparition totale de certains écosystèmes, si les pays ne prennent pas des mesures immédiates et draconiennes pour réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre sur la planète.

Dans un sombre rapport, le GIEC, colauréat du prix Nobel de la paix en 2007, estime que la météo, la santé et les écosystèmes de la planète seraient en meilleur état si les dirigeants du monde pouvaient limiter le réchauffement causé par les humains depuis l'ère préindustrielle à 1,5 degré Celsius plutôt qu'à 2 degrés Celsius, comme le prévoit l'accord de Paris.

À 2 degrés Celsius, le rapport indique que la fonte des glaces en mer, les sécheresses, les famines et les inondations seraient beaucoup plus accentuées qu'à 1,5 degré Celsius.

Les experts préviennent que si l'on n'agit pas maintenant, on atteindra 1,5 degré Celsius entre 2030 et 2052. Pour éviter cela, le monde entier doit réduire ses émissions chaque année d'ici 2030, de manière à ce qu'elles ne dépassent pas 55 pour cent de ce qu'elles étaient en 2010.

Pour le Canada, cela signifie que les émissions ne devraient pas dépasser 385 millions de tonnes par an; or, ces émissions atteignaient presque le double en 2016.

Même avec son plan actuel de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), le gouvernement fédéral est bien loin d'atteindre cette cible. L'objectif actuel est de réduire ses émissions à 512 millions de tonnes par an.

Malgré la controversée tarification du carbone, les réglementations visant à réduire le méthane et l'objectif d'éliminer les centrales au charbon, le Canada n'atteint même pas ces objectifs bien plus modestes que ceux proposés dimanche par les experts du GIEC.

«Il est clair que les conséquences d'une action lente sont dévastatrices pour la planète et notre mode de vie», a déclaré Merran Smith, directrice générale du groupe Énergie propre Canada.

Elle souligne que les Canadiens n'ont pas à changer ce qu'ils font pour réussir à réduire leurs émissions, mais plutôt changer leur manière de faire. Ce qui signifie de tout électrifier, selon elle.

Ce rapport tombe au moment où le Canada est aux prises avec une nouvelle série de débats sur la meilleure façon de procéder, alors que la tarification du carbone prévue par les libéraux fédéraux est contestée par un nombre croissant de provinces.

La ministre de l'Environnement, Catherine McKenna, estime que ce document constitue une autre sonnette d'alarme qui met en lumière l'importance de mettre un prix sur le carbone et de resserrer les règles pour les plus gros émetteurs du pays.

«Si l'on n'agit pas, les enfants de 10 ans vont vivre dans un monde marqué par de graves pénuries alimentaires, des incendies de forêt dévastateurs, des tempêtes brutales et des inondations avant qu'ils n'atteignent l'âge de 40 ans», a-t-elle prédit.

Toutefois, la ministre McKenna reconnaît que le Canada n'a pas l'intention d'augmenter ses objectifs actuels et son gouvernement a continué d'approuver de nouveaux projets liés aux combustibles fossiles, dont l'élargissement de l'oléoduc Trans Mountain et l'usine de gaz naturel liquéfié de 40 milliards de dollars en Colombie-Britannique.

Dale Marshall, responsable du programme national de l'organisme Environmental Defence, affirme que le débat politique actuel sur la tarification du carbone rend le gouvernement plus timide dans son plan d'action climatique.

«Les partis et les gouvernements qui comprennent réellement la science et croient en l'action doivent faire preuve de plus de courage qu'ils ne le font présentement», réclame-t-il.

Alexandre Boulerice, porte-parole du NPD en matière d'environnement, affirme qu'il est temps que les libéraux redéfinissent leur plan d'action climatique et présentent quelque chose de plus ambitieux.

Le chef conservateur Andrew Scheer dit laisser aux scientifiques la tâche de tirer des conclusions du rapport du GIEC. Il réitère que son parti demeure farouchement opposé à une taxe sur le carbone et privilégie l'approche réglementaire adoptée par l'ancien gouvernement conservateur.