En harcelant la flotte japonaise qui traque les baleines en Antarctique, les défenseurs des cétacés ne font en fait «qu'accroître le soutien à la chasse» dans la population japonaise, affirme un spécialiste japonais Atsuhsi Ishii alors que pro-chasse et anti-chasse se retrouvent à Jersey.

«La majorité des Japonais sont des anti anti-chasse: ils ne veulent pas forcément manger de viande de baleine, mais ils ne veulent pas que les organisations anti-chasse leur disent ce qu'il faut faire», explique à l'AFP Atsushi Ishii, politologue spécialiste de relations internationales et environnement, professeur associé à l'Université de Tohoku (Japon).

«Le mouvement anti-chasse ne fait finalement qu'accroître le soutien pour la chasse scientifique», ajoute le chercheur, qui a publié en mai au Japon un livre balancé sur la question («Anatomie du débat sur la chasse à la baleine»).

Le Japon, en dépit du moratoire international sur la chasse en vigueur depuis 1986, continue de prélever des cétacés, principalement des petits rorquals (7 m), en Antarctique et dans le Pacifique au nom de la recherche scientifique.

Cette pratique est tolérée par la Commission baleinière (CBI), mais largement contestée par les défenseurs des baleines, qui y voient principalement une façon de contourner l'interdiction.

En février dernier, la plus virulente des ONG anti-chasse, Sea Shepherd, avait envoyé ses navires en Antarctique harceler les baleiniers japonais, au point de les forcer à mettre fin prématurément à leur campagne.

Les Japonais étaient rentrés après avoir capturé 170 cétacés environ, soit un cinquième de l'objectif prévu.

Une victoire par K.O. de Sea Shepherd? «Cela dépend ce que vous appelez une victoire», nuance Atsushi Ishii, interrogé par téléphone alors que se tient, de lundi à jeudi à Jersey, la 63e réunion plénière de la CBI.

«Depuis des années, la viande de baleine ne se vend pas très bien. La réalité, c'est que l'industrie de la pêche n'en veut pas plus», affirme-t-il, soulignant que les stocks de viande atteignent des niveaux record au Japon -6000 tonnes environ, soit près d'un an et demi de consommation.

«Les attaques de Sea Shepherd soutiennent en fait l'industrie en lui permettant de se retirer de l'Antarctique sans avoir rempli les objectifs officiels» de recherche scientifique, relève le politologue japonais.

«Selon moi, les autorités japonaises veulent se retirer de l'Antarctique. Mais ce n'est pas simple. Si nous le faisons, cela sera perçu comme une défaite contre les pays et les associations anti-chasse, les politiciens ne sont pas vraiment prêts à accepter cela», reconnaît-il.

Quant au volet «scientifique» de la chasse japonaise, il ne justifie pas à lui seul la capture des cétacés en Antarctique, assure M. Ishii, car «cela génère des données scientifiques trop incertaines pour pouvoir être utilisées pour gérer la chasse à la baleine».

L'aspect «scientifique» permet surtout d'octroyer à l'activité baleinière japonaise, très modeste en termes d'emplois et de chiffre d'affaires, des subventions de l'ordre de 5 millions de dollars par an, souligne M. Ishii.

«Si le moratoire s'ouvre, alors la chasse scientifique n'est officiellement plus nécessaire. Et sans ces subventions, il deviendra très difficile de soutenir financièrement cette activité», note le spécialiste, qui n'attend pas d'évolution majeure lors de la réunion de la CBI.

La seule issue possible, à ses yeux, serait à terme d'autoriser le Japon à chasser près de ses côtes contre un abandon de la chasse en Antarctique.