Le recyclage du verre se porte mal. C'est la matière recyclée qui se vend le moins bien et elle contamine celles qui valent davantage, comme le papier ou le plastique. Surtout avec le nouveau mode de collecte «pêle-mêle» des matières recyclables, qui s'est étendu partout au Québec dans les dernières années.

Résultat: les centres de tri sont parfois forcés d'envoyer le verre dans les lieux d'enfouissement, comme matériau de recouvrement.

C'est le cas au dépotoir de Valoris, une régie intermunicipale qui dessert la ville de Sherbrooke et la MRC du Haut-Saint-François.

«Oui, on emploie du verre comme matériau de recouvrement», dit Claude Brochu, directeur général de Valoris. M. Brochu assure que le verre est quand même avantageux comparativement au sable.

Mais c'est un pis-aller pour le verre, une matière recyclable quand elle est de bonne qualité, affirme Taraneh Sepahsalari, directrice de la Régie de récupération de l'Estrie. Ce centre de tri de la région de Sherbrooke doit traiter environ 90 tonnes de verre par semaine. Pendant une certaine période, cette année, seulement un tiers de ce verre était recyclé. Le reste allait au dépotoir de Valoris.

«C'est sûr que notre mandat est de recycler tout ce qui est récupérable, dit-elle. Mais le verre, on s'en débarrasse tout au début de notre procédé. Le verre est extrêmement abrasif. Les convoyeurs et autres appareils s'en ressentent. C'est évident que c'est problématique.»

Certains estiment que le Québec devrait instaurer une consigne sur tous les contenants en verre, en particulier les bouteilles d'alcool, ce qui permettrait de créer un système parallèle de recyclage. Cela existe dans toutes les autres provinces canadiennes, sauf au Manitoba.

Michel Marquis, de 2 M Ressources, est un recycleur de verre de Saint-Jean-sur-Richelieu, mais il s'approvisionne entièrement aux États-Unis. «Je suis pour la consigne, dit-il. Actuellement, au Québec, on prend du verre propre, on le mélange à d'autres matières et ensuite on le sépare. Ça réduit la valeur de tout.»

Mais la SAQ, d'où provient la plus grande partie du verre qui se retrouve dans les bacs de recyclage au Québec, s'oppose depuis toujours à la consigne.

«On connaît les difficultés qu'a connues le marché du verre, dit Isabelle Merizzi, porte-parole de la SAQ. Mais on travaille très fort pour aider les centres de tri.»

Depuis 2002, la SAQ subventionne à raison de 350 000$ par année le transport du verre vers l'usine de recyclage Klareco. La société d'État a aussi aidé cette entreprise à acheter de l'équipement, à la hauteur de près de 2 millions entre 2007 et 2011.

Débat de chiffres

Mais, selon Mme Merizzi, la consigne serait une solution coûteuse et pas nécessairement plus efficace, surtout compte tenu du nombre de points de vente de vin au Québec. «Il faudrait agrandir les entrepôts des succursales et augmenter les heures de travail, dit-elle. On pense que ça coûterait de 40 à 60 millions pour implanter la consigne.»

«J'aimerais voir leurs chiffres, dit Karel Ménard, du Front commun québécois pour la gestion écologique des déchets. La SAQ a fait 940 millions de profits nets l'an dernier. Combien l'inclusion du verre à collecte sélective coûte-t-elle en pertes aux centres de tri? La collecte sélective du verre, ça ne fonctionne tout simplement pas, et 80% du verre, c'est la SAQ.»

Du verre dans le ciment?

Un projet expérimental de l'Université de Sherbrooke devrait trouver sa première application commerciale, avec l'inauguration aujourd'hui d'une usine de micronisation du verre à Gatineau.

Ce procédé transforme le verre en une fine poudre qui peut être incorporée au béton. Le verre peut donc remplacer une fraction du ciment ou encore des granulats qui entrent dans sa composition.

L'instigateur du projet est le professeur de génie civil Arezki Tagnit-Hamou, titulaire de la chaire sur la valorisation du verre dans les matériaux (financée par la SAQ). Il affirme que le verre améliore les propriétés du béton. «Ça diminue beaucoup sa perméabilité et ses émissions de gaz carbonique, dit-il. On remplace jusqu'à 20% du ciment et, pour chaque tonne de ciment, il y a presque 1 tonne de CO2.»