Plus de chaleur, moins de neige, de nouvelles maladies et, peut-être, une agriculture plus productive : les changements climatiques ont déjà nettement marqué le Canada et continueront de le faire au cours de ce siècle. C'est ce qui ressort d'un rapport synthèse de Ressources naturelles Canada publié le mois dernier et passé inaperçu.

La Presse s'est entretenue avec l'un de ses auteurs principaux, le géographe Don Lemmen, de la Division des impacts et de l'adaptation liés aux changements climatiques au ministère.

Quelle est la région du Canada dont le climat sera le plus transformé ?

La réponse la plus simple serait de dire le Nord, particulièrement le Nord-Ouest, qui se réchauffe très vite, mais si on regarde plusieurs éléments, comme les changements dans les précipitations, la hausse du niveau des océans, la fréquence des tempêtes, le phénomène touche toutes les régions du Canada.

Pour ce qui est de la hausse des océans, y a-t-il des régions plus touchées ou plus vulnérables ?

Le taux de hausse des océans va beaucoup varier. C'est un problème qui ne retient pas suffisamment l'attention. Il y a des zones où le sol s'élève encore depuis la fin de la dernière glaciation, comme autour de la baie d'Hudson, mais il y a d'autres zones, comme dans le golfe du Saint-Laurent, où au contraire le sol continue de s'affaisser. La hausse du niveau des océans permet aux vagues de tempête de pénétrer plus loin à l'intérieur des terres. Mais jusqu'à maintenant, ce sont surtout d'autres phénomènes qui ont eu un impact : la disparition de la glace de mer et l'intensification des tempêtes. Ces facteurs combinés ont fait augmenter les inondations côtières.

Votre rapport laisse prévoir une expansion des zones cultivables vers le nord, en particulier dans les Prairies, mais aussi de nouvelles difficultés sous la forme de parasites et de sécheresses. Le bilan sera-t-il positif ou négatif ?

On ne le sait pas vraiment. La productivité agricole va augmenter, mais il y a aussi des risques. La nature des sols est aussi une limite à l'expansion vers le nord. Mais, il est clair que dans les Prairies, il y aura de la place pour des cultures plus exigeantes et qui ont plus de valeur. Cependant, si on ajoute les maladies, les parasites et la sécheresse, le portrait est moins clair.

Vous notez que l'épidémie de dendroctone du pin qui a ravagé les forêts de la Colombie-Britannique est clairement liée au réchauffement. Est-ce que cette épidémie va traverser tout le continent ? Est-ce qu'il y a d'autres menaces comme celle-là ?

Ce qui est remarquable avec le dendroctone du pin, c'est qu'on pense que les impacts des changements climatiques se déroulent lentement, alors que dans ce cas, l'expansion a été très rapide. Au cours des six dernières années, l'infection a progressé de 120 km au nord et à l'est. Cependant, pour se propager encore plus, l'insecte a besoin d'essences d'arbres propices en peuplements assez denses et ce n'est pas vraiment le cas plus à l'est. Il y a bien le pin gris, qu'on retrouve de l'Alberta jusqu'en Nouvelle-Écosse, mais ses peuplements sont petits et espacés. En revanche, il y a des parasites qui bougent très vite à l'est aussi. La tique qui transmet la maladie de Lyme est en pleine expansion et on est passé de 25 à 300 cas de la maladie par année chez l'humain.

Les changements climatiques bouleversent les écosystèmes. Quel est l'avenir des aires protégées ?

Les parcs ont tout un défi. Leur mandat est de préserver, mais ce qu'ils protègent est en train de changer. Une des idées est de favoriser les corridors naturels de migration. Mais il est aussi important de préserver les microclimats très sensibles là où ils se trouvent actuellement. Les montagnes aussi vont jouer un rôle important parce qu'on trouve une variété de climats sur une petite superficie. Il y a aussi l'idée d'assister les migrations des espèces. On le voit déjà en foresterie : aujourd'hui, on ne replante plus exactement ce qu'on a coupé, mais bien ce qu'on croit qui repoussera le mieux, compte tenu du nouveau climat.

La tendance des températures est à la hausse dans quasi toutes les stations météo du pays pour la période de 1950 à 2010. La taille du triangle est proportionnelle à l'ampleur de la tendance.

Source : Vincent, L.A. et al. Journal of Geophysical Research, vol. 117, 2012.

Propagation de la maladie de Lyme

La maladie de Lyme est déjà en expansion. Si la maladie de Lyme n'est pas traitée à temps, les symptômes, comme l'arthrite, les troubles du système nerveux ou la paralysie, peuvent devenir chroniques.

Source : Leighton, P.A. et al. Journal of Applied Ecology, vol. 49, no 2, 2012