Vies emportées, maisons brisées, infrastructures ravagées: ceux qui voudraient trouver un coupable pour les dégâts provoqués par le typhon Haiyan se tourneront peut-être vers les changements climatiques. Les scientifiques mettent en garde contre le raccourci, tout en admettant que les monstres comme Haiyan puissent devenir plus fréquents dans le futur.

Haiyan est l'un des cyclones les plus puissants jamais enregistrés. On sait que les changements climatiques provoqués par l'homme ont déjà contribué à réchauffer l'eau à la surface des océans. En théorie, cela pourrait provoquer la formation de plus de cyclones ou les rendre plus puissants. Sauf qu'expliquer de cette façon la formation d'un cyclone en particulier est un exercice simpliste que refusent de faire la plupart des scientifiques.

«Les cyclones tropicaux extrêmement intenses sont rares, mais ont toujours fait partie de la nature. Nous n'avons pas besoin d'excuses pour les expliquer», a dit à la publication Climate Central l'associé de recherche Brian McNoldy, de l'École des sciences marines et atmosphériques de l'Université de Miami.

Prudence de mise

Les scientifiques sont en général très prudents quand il s'agit de faire le lien entre changements climatiques et cyclones. Dans son dernier rapport publié cette année, le Groupe d'experts international sur l'évolution du climat (GIEC) souligne que la question est complexe et encore mal comprise.

Le GIEC affirme qu'il a un degré de certitude «bas» sur le fait que les changements climatiques aient pu déjà influencer l'activité cyclonique sur la planète. Pour l'instant, il semble clair que les cyclones sont plus fréquents dans une région bien précise du monde: l'Atlantique Nord.

«La cause de cette augmentation est sujette à débat et le degré de confiance est bas pour attribuer les changements dans l'activité des cyclones tropicaux à l'influence humaine», peut-on cependant lire dans le rapport.

Si les changements climatiques réchauffent l'eau, ils peuvent aussi modifier les vents, et les cyclones se forment lorsque les vents sont assez uniformes en altitude. Pour illustrer la complexité de l'affaire, le GIEC juge «probable» que l'augmentation du nombre de cyclones observée dans l'Atlantique Nord depuis les années 70 soit ironiquement attribuable à une... diminution de la pollution générée par les aérosols.

Les modèles des scientifiques prévoient en fait que les cyclones seront moins nombreux dans le futur... mais que ceux qui émergeront seront plus destructeurs, générant plus de vents et des précipitations extrêmes. Le GIEC souligne qu'il ne s'agit aucunement d'une bonne nouvelle, puisque les dommages et les impacts sur la société sont généralement causés par les cyclones les plus violents, comme le typhon Haiyan.





LES TYPHONS, ÉTAPE PAR ÉTAPE

Les conditions

1 La température de la mer atteint au moins 26 °C sur 50 m de profondeur.

2 Des masses d'air froid sont présentes dans l'atmosphère.

3 La force de la rotation de la Terre se fait sentir (cela n'est pas vrai près de l'équateur, et c'est pourquoi les typhons ne peuvent se former à moins de 550 km de l'équateur).

4 Les vents sont uniformes (même force et même direction) aux différentes altitudes, sans quoi le typhon sera rapidement dispersé.

La formation

1 L'eau chaude de la mer s'évapore.

2 L'eau évaporée rencontre une masse d'air froid et se condense, formant des nuages.

3 L'air refroidi, plus dense que l'air chaud, redescend vers la mer.

4 À cause de la rotation de la Terre, l'air chaud se met à monter en spirale, alors que l'air refroidi descend en plein milieu (c'est l'oeil du cyclone).

5 L'air froid qui descend se réchauffe graduellement, puis remonte en spirale. Le phénomène s'emballe et se nourrit lui-même.





Qu'est-ce qui a fait de Haiyan un supertyphon?

1 Il s'est formé dans des eaux très chaudes (près de 30 °C). Plus l'eau est chaude, plus elle s'évapore rapidement et fournit d'énergie au typhon.

2 Il est né dans une zone où les vents étaient très uniformes, ce qui a permis à la spirale de se former et de grossir sans être perturbée.

3 Il a longé très longtemps les côtes avant de frapper la terre ferme, ce qui lui a permis de s'alimenter longtemps en carburant (l'eau chaude de la mer).

Sources: BBC, Sciences et avenir, Climate Central, Environnement Canada.

Typhon, ouragan ou cyclone...

Quelle est la différence entre tous ces phénomènes qui naissent en mer et foncent vers les terres pour y semer la désolation?

En fait, il n'y en a pas. Le terme météorologique «cyclone tropical» est appelé «ouragan» lorsqu'il se produit dans l'Atlantique Nord et le nord-est du Pacifique et «typhon» en Asie de l'Est.

À peu près partout ailleurs, on parle de «cyclone», mais ces trois mots désignent exactement le même phénomène.

La tornade, elle, est un phénomène différent qui nait dans les nuages plutôt qu'à la surface de l'eau. Les tornades sont beaucoup plus petites que les cyclones (quelques centaines de mètres au maximum, contre plusieurs centaines de kilomètres) et ne durent généralement pas plus d'une dizaine de minutes.