Une coalition de pays emmenée par l'Europe réclamait vendredi un nouveau cap dans la lutte contre le réchauffement mais les réserves de la Chine, de l'Inde et des États-Unis rendaient l'issue de la conférence de l'ONU sur le climat très incertaine.

Malgré les «signes encourageants» entrevus par l'Union européenne à l'issue d'une quasi-nuit blanche à Durban en Afrique du Sud, l'atmosphère était tendue pour la dernière journée d'un marathon entamé le 28 novembre et assez largement éclipsé par la crise de l'euro.

«Si les lignes ne bougent pas par rapport à là nous en étions ce matin (vendredi) à 4h, il n'y aura pas d'accord à Durban», a mis en garde la commissaire européenne responsable du climat, Connie Hedegaard.

Un conflit entre les principales économies de la planète pourrait sonner le glas du protocole de Kyoto, seul traité juridiquement contraignant sur le climat, dont la première période d'engagement s'achève fin 2012 et qui revêt une forte charge symbolique pour les pays en développement. Son effondrement serait un signal très négatif deux ans après le psychodrame du sommet de Copenhague.

L'objectif central du processus de négociation onusien est de rendre plus ambitieuses les actions annoncées par les différents pays pour limiter ou réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour l'heure, elles sont loin de répondre à l'objectif, affiché à Copenhague en 2009 et réaffirmé à Cancún l'an dernier, de limiter à 2°C la hausse de la température du globe.

La volonté des Européens est d'esquisser un nouveau cadre qui imposerait des objectifs de réduction de GES à tous les pays du monde à partir de 2020 alors que Kyoto ne s'applique ni aux États-Unis, qui ne l'ont jamais ratifié, ni aux grands pays émergents comme la Chine, l'Inde ou le Brésil.

Écouter tous les pays, «petits comme grands»

Près de 90 pays vulnérables au changement climatique -notamment des pays d'Afrique subsaharienne et des petits États insulaires du Pacifique- ont pris position aux côtés de l'UE. Mme Hedegaard a précisé que l'Afrique du Sud et le Brésil soutenaient également cette initiative.

Mais l'Inde a exprimé de vives réticences, et les États-Unis ne veulent pas entendre parler à ce stade d'un «accord juridiquement contraignant». La position de la Chine est difficile à décrypter.

«La Chine a soufflé le chaud et le froid. Si elle jetait tout son poids derrière la proposition européenne, cela mettrait la pression sur les États-Unis», estimait Thomas Spencer, de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), à Paris.

Faute d'accord sur une «feuille de route», l'Europe menace de ne pas reprendre d'engagements dans le cadre de Kyoto, ce qui viderait de son contenu ce traité emblématique signé en 1997 au Japon.

Pour Sunita Narain, qui dirige le Centre for Science and Environment, ONG indienne basée à New Delhi, «cette conférence montre vraiment que la méfiance est à son comble: entre les riches et les pauvres, entre l'UE et les BASIC (groupe des pays émergents qui regroupe le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Inde et la Chine), entre les Africains et l'UE, entre toutes les parties».

«Tous les pays, petits comme grands, ont besoin d'être écoutés», a rappelé la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Maite Nkoana-Mashabane, actrice-clé des dernières heures de négociations en tant que présidente de la conférence qui a rassemblé quelque 130 ministres.

«J'estime que nous avons fait beaucoup de progrès. Il y a deux, trois questions restantes qui nécessitent l'attention des ministres», a-t-elle ajouté, donnant rendez-vous à la presse dans la soirée, ou samedi matin, si les discussions devaient s'éterniser.