Des Philippines ravagées par les typhons à l'Ouest américain frappé de sécheresse, des milliers de personnes étaient réunies samedi, par petits groupes, sur les cinq continents, pour le plus grand débat citoyen jamais organisé sur le changement climatique.

Les premiers résultats de «la plus vaste enquête d'opinion» jamais menée sur le sujet, comme la qualifie l'ONU, co-initiatrice, seront soumis dès mercredi à Bonn aux délégations chargées de négocier l'accord mondial contre le réchauffement planétaire espéré à Paris en décembre.

Au Sénégal, en Chine, en passant par Madagascar, le Brésil ou le Japon, une centaine de débats au total étaient prévus dans 79 pays, selon des modalités identiques: une centaine de participants de tous horizons, préalablement informés des enjeux, réunis pour toute la journée autour de tablées animées par des modérateurs.

L'un des premiers à démarrer, après Fidji, a rassemblé aux Philippines des dizaines de «gens ordinaires» - cultivateurs, chauffeurs de minibus, femmes au foyer -, a indiqué à l'AFP une organisatrice, Editha Pimentel.

Jocelyn Pedernal, institutrice à Manille, s'est dite convaincue que ce forum permettrait aux pauvres et aux personnes vulnérables de faire entendre leur voix. «Les grands pays sont ceux qui devraient montrer l'exemple à suivre pour réduire le réchauffement climatique», a-t-elle déclaré à l'AFP.

Nous aurons «une bonne série de recommandations pour les décideurs», a promis Kazi Maruful Islam, en liaison internet depuis l'université de Dacca avec le QG de l'opération, à Paris.

«Les gens ont des opinions variées, mais ils sont concernés, et ils prennent cette journée à coeur», relevait Alain Vauzanges, un pré-retraité de la grande distribution, à Paris où le panel avait été établi par un cabinet d'études.

«Répercuter les inquiétudes et les espoirs»

Quelle importance donner à la lutte contre le changement climatique? Quels risques sommes-nous prêts à prendre? Quelles solutions? Quel partage des efforts? L'accord devra-t-il être contraignant? Basées sur les enjeux de la négociation, une trentaine de questions leur ont été posées, sous forme de questionnaire à choix multiples.

Christiana Figueres, la responsable climat aux Nations unies, a exprimé l'espoir que ce débat puisse «répercuter aux décideurs les inquiétudes, les espoirs et les aspirations des citoyens quant au monde qu'ils souhaitent pour eux et leurs enfants».

«C'est aussi un moyen important d'aider à la compréhension générale de ce qui est souvent vu comme un sujet extrêmement complexe, mais qui touche au coeur de la vie de chacun», ajoute-t-elle.

«L'idée est de faire émerger la vision des citoyens, et faire la preuve que des enjeux complexes peuvent être partagés avec les citoyens», explique Yves Mathieu, de l'agence française Missions publiques, co-organisatrice.

«Ça ne va pas changer la face de la négociation, mais au moins que les décideurs en soient informés», souligne-t-il, insistant sur la richesse de cette enquête, «car les gens auront été informés et auront débattu».

Outre Missions Publiques, la Danish Board of Technology Foundation, qui oeuvre à impliquer les citoyens dans les débats scientifiques, et la Commission nationale du débat public en France, organisaient cette journée, en liaison avec des universités, des ONG, des think tanks ou des collectivités (au Chili, l'Association des maires par exemple).

Une première analyse approfondie de cette enquête devrait être publiée dans un mois.

Au-delà des négociations, elle sera essentielle aussi pour aider à mieux mobiliser les individus, souligne Pierre Radanne, expert français des questions climatiques.

«Nous avons fait beaucoup de progrès en matière de sensibilisation. Mais bien que sensibilisés, les gens passent peu à l'acte. Or, on ne pourra régler la question du climat sans faire alliance avec les gens: la moitié des émissions de gaz à effet de serre, c'est ce que chacun fait dans sa vie privée: chauffage, alimentation, mode de transport...», dit-il.

«Avec cette enquête, on a un TP (travail pratique) grandeur nature, qui va nous aider à comprendre ce qui motive chacun, selon sa culture, sa richesse, sa vulnérabilité».