Au moment où elle tente de convaincre les Canadiens des bienfaits de l'oléoduc Énergie Est, TransCanada finance indirectement une poursuite intentée aux États-Unis pour contrer le plan climatique annoncé par le président Barack Obama. Et elle est loin d'être la seule société canadienne à torpiller - volontairement ou pas - le Clean Power Plan.

Dans un rapport publié lundi, la Shareholder Association for Research & Education (SHARE), un organisme basé à Vancouver, révèle que plusieurs entreprises canadiennes financent par la bande des efforts pour contrer la politique climatique du président Obama. Elles sont membres d'associations, de lobbys ou de chambres de commerce qui contestent la réforme devant les tribunaux.

La liste comprend les pétrolières Suncor et Cenovus, qui ont pourtant appuyé le plan de lutte contre les changements climatiques annoncé l'an dernier par le gouvernement néo-démocrate de Rachel Notley en Alberta. On y trouve aussi Bombardier, Produits forestiers Résolu et BMO Banque de Montréal.

Pas toujours volontaire

Les entreprises nommées dans le rapport ne s'opposent pas automatiquement au plan d'Obama, qui donne à l'Environmental Protection Agency (EPA) le pouvoir de restreindre les émissions des centrales électriques.

«Certaines sociétés qui font partie de ces organisations s'y sont jointes pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les changements climatiques, note l'auteur du rapport, Kevin Thomas. Elles cherchent des occasions d'affaires ou de réseautage, ou encore à faire avancer d'autres dossiers qui leur sont chers.» Les entreprises qui adhèrent à des associations ou des lobbys doivent donc faire preuve de vigilance, prévient-il.

TransCanada appuie la poursuite

TransCanada, dont le projet d'oléoduc Énergie Est est sous la loupe du BAPE, est membre de la U.S. Chamber of Commerce, qui conteste le Clean Power Plan devant les tribunaux. L'entreprise albertaine appuie le recours intenté par l'organisme.

«La règle de l'EPA est contestée par 27 États américains et plus de 150 groupes d'entreprises aux États-Unis sur la base qu'elle a dépassé l'autorité légale de l'EPA en vertu du Clean Air Act, a souligné le porte-parole de l'entreprise, Mark Cooper. Le recours est axé sur la portée du pouvoir d'un organisme, et non sur les objectifs politiques sous-jacents.»

Bombardier «neutre»

L'American Association of Railroads, dont sont membres Bombardier, le Canadien National et le Canadien Pacifique, fait partie des groupes qui contestent le Clean Power Plan devant les tribunaux. Le porte-parole de Bombardier Transport, Marc Laforge, a précisé que l'entreprise reste «neutre» sur la contestation du plan climatique américain.

«Ce n'est pas parce qu'on fait partie d'une association qu'on n'a pas le droit de rester neutre sur certains sujets», a résumé M. Laforge. L'entreprise restera membre de l'organisme, qui lui offre des occasions de réseautage, en plus d'assurer sa présence sur le marché américain.

Résolu contre la réforme

Produits forestiers Résolu est membre de l'American Forest & Paper Association. L'entreprise québécoise soutient la contestation lancée par cet organisme contre le Clean Power Plan.

«Il faut s'assurer que ce qui est proposé soit atteignable pour l'ensemble de l'industrie forestière et que ça prenne en compte tous les efforts de réduction de GES qui ont été faits jusqu'à maintenant», indique le porte-parole de l'entreprise, Karl Blackburn.

Résolu a déjà réduit ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 70% depuis l'an 2000, grâce entre autres à un recours accru à l'énergie produite par la biomasse carboneutre.

Démissions

Plusieurs entreprises ont choisi de quitter la U.S. Chamber of Commerce en raison de sa position sur les changements climatiques. La SHARE relève qu'Apple, Pacific Gas and Electric, Exelon et PNM Resources ont claqué la porte de l'organisme. Nike a quitté l'administration de la chambre mais est demeurée membre. Une centaine de sociétés, notamment Microsoft, Google et Shell, ont quitté l'American Legislative Exchange Council en raison de ses prises de position sur les changements climatiques et sur le contrôle des armes à feu.

Sur la glace

Les États et organismes qui contestent le Clean Power Plan ont remporté une première victoire devant la Cour suprême, le mois dernier. Le plus haut tribunal des États-Unis a suspendu le programme, qui impose aux centrales au charbon des réductions de 32% de leurs émissions de GES d'ici 2030. La suspension s'étendra jusqu'à cet été, le temps qu'un tribunal d'appel examine la cause.