Le ministère québécois de l'Environnement rappelle TransCanada Pipelines à l'ordre: afin de pouvoir reprendre ses travaux à Cacouna, elle doit faire moins de bruit, pour ne pas nuire aux bélugas.

Le ministère a fait savoir vendredi que l'entreprise doit modifier ses méthodes de travail, sinon elle ne pourra recommencer ses sondages géotechniques dans le fleuve Saint-Laurent le 15 octobre.

Elle doit respecter le seuil de bruit établi à 120 décibels ou modifier d'une quelconque façon la zone d'exclusion où les mammifères marins ne peuvent pénétrer pour leur propre protection, précise le ministère. L'entreprise a respecté les seuils de bruit pour certains travaux, mais d'autres ont excédé les normes.

TransCanada a indiqué avoir l'intention de soumettre de nouvelles propositions au ministère avant le 15 octobre, «afin de se conformer aux conditions entourant le niveau de bruit subaquatique», a-t-elle précisé dans une déclaration écrite transmise vendredi.

L'entreprise souligne que c'est elle qui a fourni au ministère les résultats des tests de bruit, tel qu'il était prévu dans le certificat d'autorisation accordé par Québec. «Avant d'avoir reçu l'avis de non-conformité du ministère, nous avions aussi proactivement augmenté notre zone d'exclusion des mammifères marins», a fait savoir le porte-parole Philippe Cannon.

Les travaux de forage exploratoire de l'entreprise albertaine sont arrêtés depuis qu'un tribunal a ordonné leur suspension jusqu'au 15 octobre, afin de protéger les bélugas.

L'injonction temporaire avait été demandée par des écologistes, soucieux de protéger ces animaux marins dans cette période, critique selon eux, pour les mères bélugas et leurs veaux. Ils l'ont obtenue le 23 septembre dernier.

TransCanada effectue ces travaux en vue de construire à Cacouna un terminal pétrolier pour y acheminer du pétrole des sables bitumineux de l'Ouest canadien.

Le ministère de l'Environnement indique avoir aussi émis vendredi un avis de non-conformité pour le transport maritime effectué par TransCanada dans le cadre des travaux.

Le certificat d'autorisation prévoyait que le déplacement de bateaux devait être peu fréquent et que le transport des équipes de forage devait être réalisé au moyen d'un seul navire. Or, il a été constaté que l'entreprise déplaçait son personnel à l'aide de trois bateaux.

Avant même l'émission de l'avis de non-conformité, l'entreprise avait proposé une nouvelle méthode de transport, à la satisfaction du ministère, précise celui-ci dans son communiqué.

À la suite de l'émission des avis du ministère vendredi, des groupes environnementaux ont carrément exigé la révocation du certificat d'autorisation, même au-delà du 15 octobre.

Le Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE), Greenpeace, Nature Québec, la Société nationale pour les Parcs Québec et la Fondation Rivières jugent que les actions de l'entreprise démontrent qu'elle improvise dans ce dossier. Ils estiment de plus que Québec facilite trop la vie à l'industrie pétrolière.

«Le gouvernement et le promoteur ne peuvent pas se permettre de jouer aux apprentis sorciers et de tester des nouvelles méthodes dans l'habitat essentiel d'une espèce en péril et de constater le dommage par après», soulignent-ils dans un communiqué.

Vu les résultats des tests de bruit, ils constatent que le dommage a déjà été causé.

«TransCanada a été pris en flagrant délit de ne pas avoir respecté une importante condition imposée par le ministère, a affirmé Patrick Bonin, de Greenpeace. Cette pétrolière a agi en cowboy.»

Injonction

TransCanada a l'intention de se battre contre la demande d'injonction permanente des groupes écologistes.

L'entreprise affirme qu'elle respecte l'injonction interlocutoire temporaire de la juge Claudine Roy qui lui ordonne de ne rien faire jusqu'au 15 octobre. «Le report des travaux jusqu'à cette date était une demande explicite des opposants qui sont d'avis que les bélugas auront alors quitté la zone», a souligné Philippe Cannon, porte-parole de TransCanada.

Mais la demande d'injonction permanente demeure une menace pour l'entreprise.

Pour s'en débarrasser, TransCanada a déposé le 1er octobre une requête en rejet de l'action, pour mettre un terme au dossier, de façon expéditive, avant même le procès.

«Nous avons déposé une requête en rejet dans laquelle nous demandons à la Cour de rejeter l'action des opposants étant donné la contradiction de leur position», a ajouté M. Cannon, qui semble ainsi faire référence au fait que les bélugas auront à ce moment quitté la zone des travaux, et qu'une injonction permanente ne sera alors pas nécessaire.

Le projet d'oléoduc Énergie Est de l'entreprise aboutirait notamment au port de Cacouna. L'équivalent d'environ un million de barils de pétrole brut serait quotidiennement transporté à travers cet oléoduc de quelque 4600 kilomètres en direction de raffineries et terminaux au Québec ainsi qu'au Nouveau-Brunswick.