Signe que l'enjeu transcende les divisions politiques, plusieurs organisations incluant des souverainistes appellent le gouvernement fédéral à la rescousse dans le dossier des forages dans le golfe du Saint-Laurent.

Le Bloc québécois, Québec solidaire et les militants péquistes des Îles-de-la-Madeleine demandent tous que le projet de forage pétrolier de Corridor Resources soit soumis à une commission d'examen en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

C'est aussi le cas de la conférence régionale des élus (CRE) de Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, dont font partie la ministre Nathalie Normandeau et le député péquiste Pascal Bérubé.

La demande émane de la municipalité des Îles-de-la-Madeleine. Elle n'est pas relayée par la ministre ou le député, qui n'ont pas droit de vote à la CRE, mais reçoit l'aval de la présidente de l'instance du PQ aux Îles, Jeannine Richard.

«Le Parti québécois des Îles appuie la démarche de demander la commission d'examen environnemental fédérale, a-t-elle dit à La Presse. On utilise les moyens qu'on a. Le but est de stopper Terre-Neuve. Actuellement, c'est Terre-Neuve qui décide pour nous.»

«C'est d'affirmer notre souveraineté territoriale de dire qu'on n'accepte pas les études insuffisantes de Terre-Neuve», a-t-elle ajouté.

Retarder le forage

Selon Christian Simard, de Nature Québec, soumettre le projet de Corridor Resources à une commission fédérale aurait pour effet de retarder le forage, prévu pour l'an prochain, le temps de régler le conflit territorial qui subsiste entre Québec et Terre-Neuve.

«C'est dans l'intérêt du Québec de faire cet examen complet, dit-il. Ça empêcherait Terre-Neuve de forer dans un territoire non encore attribué et profiter du vide juridique.»

À Québec, toutefois, on s'en tient à la résolution adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, qui demande de suspendre tous les travaux dans le golfe avant la conclusion de l'Évaluation environnementale stratégique (EES) commandée par Québec à ce sujet.

«Il sera tout aussi difficile d'obtenir des garanties à l'effet que cette étude environnementale (fédérale) ratissera assez large, et sera assez approfondie pour répondre à l'ensemble des préoccupations soulevées», a affirmé la porte-parole de Mme Normandeau, Marie-France Boulay.

Mais l'étude fédérale aurait au moins deux avantages que la québécoise n'a pas: elle porterait sur l'ensemble du golfe, et pas seulement sur la portion québécoise, et elle comporterait des audiences publiques, ce que l'EES ne prévoit pas pour le moment.

La loi fédérale et le protocole Canada/Terre-Neuve sur les ressources marines prévoient qu'en tout temps, le ministre fédéral de l'Environnement peut soumettre un projet d'exploration à une commission d'examen.

Il n'y a pas de précédent à cet égard dans le contexte des ressources extracôtières, mais le cas du golfe, qui touche cinq provinces différentes, est tout indiqué pour en créer un, selon Joël Arsenault, maire des Îles-de-la-Madeleine.

De plus, le gouvernement fédéral, y compris Pêches et Océans Canada (POC), s'est fait trop discret dans ce dossier, selon le maire. «Mon point de vue et celui des pêcheurs sont que Pêches et Océans Canada ne s'est pas prononcé là-dessus, alors que l'expertise scientifique est là. Ils se préoccupent plus de la construction d'un pont aux Îles. On a eu un rapport de 300 pages de questions sur les impacts de ce pont sur les pêches. Alors que là, on a un projet de forage et POC n'a aucune opinion.»