La soudaine dépopulation des abeilles domestiques observée pour la première fois aux États-Unis fin 2006 se poursuit, mobilisant chercheurs et apiculteurs pour percer ce mystère et préserver les récoltes qui dépendent de ces insectes pour leur pollinisation.

Ces productions, surtout les fruits et certains légumes représentant des ventes de 15 milliards de dollars par an, comptent pour un tiers de l'alimentation humaine.

Ce phénomène appelé «colony collapse disorder» ou CCD décrit la rapide disparition des ruches de millions d'abeilles adultes et s'est également produit ailleurs dans le monde, dont en Europe.

Les scientifiques ont avancé différentes hypothèses - virus, parasites, insecticides, malnutrition et autres facteurs environnementaux - sans pouvoir encore déterminer une cause spécifique.

Les populations d'abeilles domestiques sont en déclin depuis plusieurs décennies pour différentes raisons mais les effets de ce nouveau syndrome sont beaucoup plus dévastateurs.

Quelque 32% des 2,4 millions de ruches appartenant aux 1500 apiculteurs professionnels américains ont ainsi été perdues en 2007, 36% en 2008 et 29% en 2009, selon les estimations du Ministère américain de l'Agriculture (USDA).

Cette année la situation va probablement être pire après un hiver inhabituellement rigoureux, souligne Jeff Pettis, responsable du laboratoire de recherche sur les abeilles de ce ministère, dans un entretien avec l'AFP.

Les chiffres pour 2010 seront publiés en avril. Mais les estimations préliminaires font déjà ressortir des pertes de 30 à 50%, indique David Mendes, le président de la Fédération américaine des apiculteurs, l'American Beekeeping Federation.

«Normalement -avant l'apparition du CCD- nous perdions en moyenne 10% des ruches durant l'hiver mais cette année ce chiffre varie de 30 à 50%», a-t-il dit à l'AFP ajoutant que «de nombreux apiculteurs sont en difficulté».

Selon lui, le phénomène du CCD résulte probablement «d'une combinaison de facteurs» avec apparemment un rôle prépondérant des pesticides (insecticides, fongicides, et herbicides) dont l'usage s'est fortement accru ces dernières années.

«Amener ses abeilles dans des zones de cultures agricoles entraîne de plus grandes pertes et nous pensons que cela est lié aux pesticides», a expliqué David Mendes, notant que malheureusement «on ne dispose pas des données (scientifiques) pour appuyer ces observations».

«Le recours aux pesticides a fortement augmenté faisant que les activités d'apiculture deviennent plus difficiles», a dit cet apiculteur de Géorgie (sud).

Cette observation est confortée par les résultats d'une recherche conduite dans 23 États américains et au Canada récemment publiée dans la revue scientifique PLOS (Public Library of Science).

Ces chercheurs ont découvert 121 différents pesticides dans 887 échantillons d'abeilles, de cire, de pollen et d'autres éléments de ruches.

«La variété des éléments que nous voyons dans le pollen et les abeilles elles-mêmes est préoccupant», même si aucune des doses de ces produits chimiques n'est suffisante pour tuer ces insectes, a dit Jeff Pettis, co-auteur de cette recherche.

«Ce n'est peut-être pas la seule cause (du CCD) mais c'est un facteur qui y contribue», a-t-il jugé.

Selon lui, le phénomène global de déclin des populations d'abeilles domestiques et sauvages observé mondialement résulte «probablement de la destruction de l'habitat naturel et de l'expansion des zones agricoles».