D'ici quelques décennies, les Québécois habiteront dans des quartiers plus densément peuplés, utiliseront en majorité le transport en commun plutôt que la voiture et consommeront des produits locaux plutôt qu'importés. Tel est la prédiction de Steven Guilbeault, l'écologiste le plus connu au Québec, qui vient de publier son premier livre, Alerte!

«Le modèle de développement basé sur le pétrole n'est plus viable», explique M. Guilbeault, en entrevue rue Masson, dans les bureaux d'Équiterre, où il s'occupe de la campagne Climat et énergie. «Il faut changer notre mode de vie. Le Québec possède tout ce qu'il faut pour relever ce défi tout en gardant une société prospère où il fait bon vivre.» Son livre veut «attirer l'attention sur les solutions autant que sur les problèmes», à la veille du sommet climatique de Copenhague, en décembre. Après avoir fait le point sur la menace et ses solutions, il consacre la deuxième moitié de l'ouvrage aux conséquences pour le Québec : le passage de la voiture individuelle aux transports collectifs, les changements nécessaires à la taxation municipale permettant de faire en sorte que les maisons de banlieue coûtent aussi cher que celles au coeur de la ville, la nécessité d'interdire l'exploitation du pétrole et du gaz naturel du golfe Saint-Laurent, le remplacement des grandes centrales électriques par de petites sources d'énergies situées près des habitations. «Les Nord-Américains doivent apprendre à vivre comme des Européens», qui génèrent quatre fois moins de gaz à effet de serre.

«Le Québec est l'un des endroits au monde où la lutte aux changements climatiques est la plus acceptée, dit M. Guilbeault. La taxe sur le carbone d'un cent par litre de carburant a été bien acceptée. Même s'il faudrait qu'elle soit plus élevée, c'est un bon début. Idéalement, il faudrait que la taxe augmente quand le prix du baril augmente, pour ne pas que l'augmentation ne bénéficie qu'aux profits des compagnies pétrolières.»

L'Alberta vient justement d'imposer une nouvelle entente sur les redevances des compagnies pétrolières, dont le pourcentage augmentera avec le prix du baril. Pour mieux faire avaler l'augmentation des taxes environnementales, M. Guilbeault propose qu'elles remplacent les taxes sur la masse salariale.

Cet automne, Équiterre a publié un rapport traçant le portrait d'un Québec sans pétrole en 2030. Le rapport proposait notamment qu'une majorité de Québécois habitent assez proche de leur lieu de travail pour retourner manger chez eux le midi sans utiliser leur voiture. Est-ce réaliste? «C'est déjà mon cas», observe M. Guilbeault.

Dans son livre, l'écologiste observe que le retour en ville, dans des quartiers densément peuplés, est d'autant plus nécessaire que les trains de banlieue et les extensions du métro coûtent une fortune. Mais est-il nécessaire de fermer la banlieue? La voiture électrique ne réglera-t-elle pas le problème?

«Non, parce que les voitures seraient construites à l'étranger, et que la mondialisation va s'arrêter parce qu'elle est basée sur le pétrole. Il faudra que les gens consomment des objets et des aliments produits à proximité. On ne pourra plus vivre des importations comme on le fait actuellement.»

Comment les pays en voie de développement, qui pour le moment misent sur les exportations pour s'extirper de la pauvreté, vont-ils s'en sortir? Y a-t-il un modèle de pays pauvre qui s'est enrichi grâce à sa demande intérieure? «Non, c'est vrai, il n'y en a pas. Il faut inventer un  nouveau modèle de développement. L'Union européenne a récemment proposé que l'Afrique devienne l'endroit au monde où il se produit le plus d'énergie solaire. Ça nous prend des solutions comme ça.»

Steven Guilbeault propose aussi que les énergies renouvelables soient subventionnées jusqu'à ce qu'elles soient concurrentielles au niveau du prix. Le même modèle a été proposé pour les biens et les aliments produits dans les pays riches où entreraient en vigueur des règlements environnementaux sévères, pour les protéger de la concurrence des pays n'ayant pas ce type de règlements -pour lutter contre le « dumping environnemental». Ne s'agit-il pas d'une forme déguisée de protectionnisme? «Oui, c'est vrai, dit M. Guilbeault. Mais si tous les pays le font, il n'y a plus de problème.

Photo: André Pichette, archives La Presse

Steven Guilbeault.

La géoingénierie à McGill

Pour lutter contre les changements climatiques, certains scientifiques proposent que l'homme refroidisse la Terre en répandant dans l'atmosphère des molécules reflétant les rayons du soleil. Cette entreprise risquée fait l'objet d'un âpre débat. McGill accueille quatre des plus importants participants, un albertain et trois Américains, à ce débat jeudi soir prochain. Un seul de ces quatre spécialistes n'est pas un opposant déclaré du projet qui frôle la science-fiction.

Les vélos au bureau

Une nouvelle loi obligeant les propriétaires d'édifices à bureau à autoriser les cyclistes à amener leur vélo aux étages supérieurs en utilisant les ascenseurs de service entre en vigueur le mois prochain à New York. Cette loi, unique en son genre, vise à faciliter la vie des cyclistes qui n'ont pas accès à un endroit sécuritaire pour stationner leur vélo près de leur bureau.

Question:

Pensez-vous que d'ici 20 ans vous habiterez assez proche de votre travail que vous pourrez aller dîner chez vous sans vous servir de votre voiture?