Alors que s'ouvre demain à New York un important sommet international sur le climat, le Canada est vivement critiqué pour son manque de volonté dans la lutte contre les changements climatiques par nul autre que le président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

De passage à Montréal ce matin, Rajendra K. Pachauri, co-lauréat du prix Nobel 2007 avec le GIEC, s'est fait caustique à l'endroit du gouvernement de Stephen Harper, «qui n'a pas reçu beaucoup de louanges de la part de la communauté internationale ces dernières années».«Le Canada est certainement isolé, il n'y a aucune doute là-dessus, a-t-il indiqué en entrevue avec La Presse. Je crois que le gouvernement devrait prendre bonne note de cela, car il a toujours été perçu comme un pays impliqué, un ami de la communauté internationale. Or dans ce dossier, le Canada doit clairement revoir sa position.»

Cette critique de la part de l'un des hommes les plus influents au monde, dans le dossier climatique, tranche avec les paroles diplomatiques entendues habituellement dans l'enceinte des Nations-Unies.

Le Dr Pachauri ne comprend tout simplement pas comment Ottawa peut défendre une aussi timide position dans le cadre des négociations internationales qui doivent s'accélérer dès aujourd'hui, dans la foulée du sommet organisé par le secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon.

À l'horizon 2020, le Canada entend réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 3% sous le niveau de 1990. À titre comparatif, l'Europe se dit prête à diminuer les siennes de 20%, voire de 30% si la communauté internationale lui emboîte le pas.

Pour Rajendra K. Pachauri, le Canada devrait imiter l'Europe, même si son économie est basée sur l'exploitation des ressources naturelles. «Je reconnais cela, tout comme le fait que le Canada est un pays froid, dit-il. Mais en même temps, il s'agit d'un pays riche qui possède les moyens techniques pour en faire beaucoup, beaucoup plus.»

Le président du GIEC croit par ailleurs qu'une entente surviendra lors de la conférence de l'ONU sur le climat, en décembre au Danemark. Contrairement à ce qu'affirme le premier ministre britannique, Gordon Brown, il ne croit pas que les difficiles négociations entre pays riches et émergents se solderont par un échec.

«Je nourris un certain optimisme, même si celui-ci n'est pas débordant, précise-t-il. Je crois qu'il y aura une entente partielle dont certains détails pourront être ficelés par la suite.»

Indien d'origine, le Dr Pachauri a d'étroits contacts avec son gouvernement, mais aussi avec Pékin. Il est donc bien placé pour commenter les négociations entre pays du Nord et du Sud, qu'il reconnaît être à un point mort depuis un bon moment, comme le précisait récemment le ministre canadien de l'Environnement, Jim Prentice.

À son avis, les pays émergents devraient emboîter le pas aux pays industrialisés, dès que ceux-ci s'engageront formellement à réduire leurs émissions après 2012, date d'échéance du protocole de Kyoto. Il estime cependant que la hauteur des cibles dépendra des gestes que poseront les États-Unis.

«J'espère que le président Obama ira plus loin (que son objectif électoral, soit de ramener les émissions américaines à leur niveau de 1990, en 2020), indique-t-il. Mais pour cela, il faudra lui laisser du temps, car le projet de loi sur le climat est actuellement bloqué au Sénat.»

Présent aux côtés du premier ministre Jean Charest, ce matin, le Dr Pachauri s'est adressé à un parterre de chefs d'entreprises et de chercheurs universitaires, dans le cadre d'un séminaire sur les perspectives pour le Québec en Inde, organisé par Les Manufacturiers et exportateurs du Québec.